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la loi stricte, la direction des Beaux-Arts n’aurait pas plus le droit de faire inspecter un musée de province qu’elle n’a celui de faire inspecter une collection particulière. En fait, les choses se passent autrement. Les municipalités, même celles qui ne font rien pour leur musée, sont trop fières d’en posséder un pour songer à le vendre. Les représentans de l’état, quand par hasard il s’en présente dans un musée de province, sont toujours fort bien accueillis; leurs avis même sont souvent écoutés. Au reste, si l’état se trouve aujourd’hui privé de tout droit de contrôle sur les musées des départemens, c’est qu’il s’est bénévolement désarmé en laissant tomber en désuétude la loi de brumaire an vu, non abrogée, et en négligeant de faire considérer ses envois comme des dépôts et non comme des dons. S’il y a don, le don du moins est conditionnel. L’arrêté ministériel du 8 pluviôse an XI (28 janvier 1803), qui mit les bibliothèques et les musées à la disposition des villes, à la charge par celles-ci de pourvoir aux dépenses de ces établissemens devenus désormais leur propriété, a implicitement le caractère d’un contrat. L’état n’a pas donné livres et tableaux pour que les villes en fissent ce que bon leur semble, les vendissent, les échangeassent, les laissassent pourrir ou manger aux rats. Il les a donnés pour un usage déterminé et à certaines conditions. Il a donc le droit de constater si ces conditions sont remplies; il a le droit de veiller à ce qu’elles soient exécutées. Il en est de même des legs et des dons des particuliers. Quand un amateur lègue sa collection à un musée, c’est afin que cette collection porte son nom, qu’elle ne soit pas dispersée, qu’elle serve à l’étude des beaux-arts. S’il pouvait penser que cette collection, dont, dans un intérêt supérieur qui l’absout, il frustre ses héritiers, serait vendue par la ville, il préférerait qu’elle fût vendue au profit de ses parens ou de ses amis.

Théoriquement donc, l’état a le devoir, et par conséquent il devrait avoir le droit d’exercer un contrôle sur les musées de province. Au point de vue pratique, ce contrôle est-il nécessaire? Ne faut-il pas laisser les choses comme elles sont ? tout n’est-il pas pour le mieux dans les musées ? Nos visites dans les musées de province nous permettent de répondre à ces questions. L’intérêt des musées exige impérieusement le contrôle de l’état. Pour le prouver, il n’y a pas de plaidoirie à faire, il n’y a qu’à citer des faits. On peut évaluer à cent trente les musées des départemens qui méritent le nom de musée. Or, sur ces cent trente musées, il en est certainement la moitié qui appelle l’attention vigilante de la direction des Beaux-Arts.

Dans certains musées, le catalogue n’existe pas, l’inventaire même