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bois vernis, ces touries de pétrole, ces estagnons d’huile, ces bidons d’essence minérale, ces barils d’eau-de-vie ! A Périgueux, le musée occupe un même bâtiment avec une fabrique de spiritueux, A Mâcon, à Bayonne, à Tonnerre, le musée est contigu au théâtre. On sait que la destinée fatale des théâtres est d’être brûlés. Les musées installés dans les vieilles églises ne sont pas menacés par le feu, mais les visiteurs n’y entrent pas sans danger. Les touristes devront se défier de l’église Sainte-Anne, qui sert d’abri au musée archéologique d’Arles. Une longue et large fissure s’est ouverte au sommet de la voûte, près du portail; déjà quelques briques s’en sont détachées. Il est heureux que personne ne fût dans ce musée au moment de cette chute de près de 40 mètres. Si on n’y veille, toute la partie antérieure de la voûte s’écroulera.

Quand les municipalités se décident à faire construire un musée, les meilleures précautions sont certainement prises contre l’incendie, l’humidité, l’ardeur du soleil. Mais pour l’installation même, la construction est-elle toujours bien entendue? Le musée de Bordeaux, par exemple, qui a subi tant de vicissitudes, — depuis sa fondation, il a été brûlé deux fois et « déménagé » huit ou dix fois, il a depuis neuf ans une installation dérisoire, humide, sans jour et sans place, — a-t-il enfin la chance d’être un musée modèle? Nous ne le pensons pas. Fidèle aux théories architectoniques en honneur aujourd’hui, l’architecte n’a pas voulu s’inquiéter de la destination de l’édifice qu’il avait à construire. Ce sont deux longues galeries, fort belles et fort vastes, mais qui ne se relient pas l’une à l’autre. De telle sorte qu’après avoir visité une galerie, il faudra, pour entrer dans l’autre, traverser un grand jardin. Par le beau temps, il n’y aura que demi-mal, mais quand il pleuvra, et il pleut souvent à Bordeaux, on marchera sous la pluie sur un sol détrempé. Ajoutons que Bordeaux possède, outre son musée de peinture, un musée épigraphique, un musée d’armes, un musée de sculptures antiques qui sont disséminés aux quatre coins de la ville et installés dans des conditions déplorables. Si curieux qu’ils soient, personne ne les visite. N’eût-il pas mieux valu élever d’un étage le nouveau musée de peinture, qui n’est qu’un rez-de-chaussée sur caves, placer au premier étage les tableaux et les dessins, et transférer dans les salles du rez-de-chaussée les collections épigraphiques et archéologiques? Ainsi, Bordeaux eût eu un musée hors ligne, un petit Louvre. C’est un tel conseil qu’aurait pu donner à la municipalité de Bordeaux la direction des Beaux-Arts, si elle ne devait rester, de par la législation actuelle, absolument étrangère à tout ce qui regarde les musées des départemens.

A un autre point de vue, celui de l’accroissement des richesses