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mais la raison en est simple. Il y a vingt ans ou il y a dix ans, l’état, à la sollicitation d’un préfet ou d’un député, a envoyé un tableau dans une petite ville de province. On a placé ce tableau dans la salle des mariages de la mairie, et on ne s’en est plus occupé. Mais l’administration des Beaux-Arts a bonne mémoire. Un beau jour elle se rappelle qu’un tableau a été envoyé et elle se dit : « Un tableau a été envoyé là, donc il y a un musée. » En vertu de ce raisonnement, elle envoie un second tableau et cinq ou six ans après, un troisième. Deux ou trois tableaux cependant, accrochés dans une salle de mariages ou dans le cabinet d’un maire, ne constituent pas un musée.

Jamais la répartition des tableaux achetés au Salon n’a été bien faite. Sous la république de 1848 et sous le second empire, il y avait des inspecteurs des musées de province. En 1872, la commission du budget les a supprimés sous prétexte d’économie. Trois mois après, il est vrai, on créait trois nouveaux inspecteurs des beaux-arts qui ne coûtaient pas moins cher à l’état, et qui, leurs fonctions étant mal définies, ne pouvaient rendre aucun service. Or, n’en déplaise à la mémoire de la commission du budget de 1872, les inspecteurs des musées, eux, avaient rendu de vrais services, et ils auraient fait davantage si leurs rapports avaient été lus, leurs conseils écoulés et leurs connaissances mises à profit. Pour la répartition des œuvres d’art dans les musées, il était élémentaire de les consulter, puisqu’ils étaient les seuls qui connussent les musées. Mais l’administration n’y a jamais songé. Une répartition plus équitable et plus intelligente des acquisitions du Salon serait une bonne fortune pour les musées des départemens. La direction des Beaux-Arts a encore pour les enrichir bien d’autres ressources. Elle pourrait leur envoyer des vases et des assiettes de Sèvres, les merveilleux moulages de l’atelier du Louvre d’après l’antique et les chefs-d’œuvre modernes, les belles gravures de la chalcographie. Ces envois seraient accueillis avec la plus grande reconnaissance, surtout par les musées de création récente.

Il est manifeste que le contrôle de l’état est réclamé par la situation actuelle d’un grand nombre de musées des départemens. Il n’est pas moins évident que tous les musées des départemens, sans exception, trouveraient leur avantage à être mis régulièrement en rapport avec l’administration des Beaux-Arts. Dans ces circonstances, la direction des Beaux-Arts n’aurait-elle pas à prendre certaines mesures qui semblent indiquées? Il y aurait d’abord à rappeler aux municipalités que la loi de brumaire an vu, prohibant l’établissement de tout magasin de matières combustibles dans le voisinage des musées et ordonnant même leur translation s’il en existe déjà.