Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 38.djvu/699

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme toutes les autres, son obole au budget, non, il n’y a rien à faire. L’état ne peut avoir le droit d’intervenir dans la tarification; aucun industriel ne peut consentir à laisser l’état fixer ses prix de vente, cela est évident. D’autre part, les prix perçus aujourd’hui ne sont pas excessifs. Plus faibles que dans tous les pays voisins, ces prix ne donnent pas une rémunération déraisonnable aux capitaux engagés. La compagnie du Nord donne 64 francs de dividende à ses actions, celle de Lyon donne 52 francs. Si l’on se reporte aux incertitudes que présentait l’avenir lors de la constitution de la société, ces revenus n’ont rien d’exagéré.

Mais si l’état, si la communauté veut subventionner le commerce en le dégrevant d’une partie de ses frais de transport, il n’en est plus de même. Nous croyons cette doctrine funeste, contraire à tous les principes économiques; ce mode de subvention nous paraît profondément regrettable; comme le dit une brochure récente, c’est entrer dans la voie tracée en 1848, elle nous conduit tout droit à fournir gratuitement à l’industrie ses instrumens de travail. C’est pourtant le seul moyen d’obtenir ce large abaissement des frais de transport qu’il est de mode de vanter aujourd’hui, et puisqu’il est impossible, dit-on, d’arrêter ce courant, il peut être utile de cher- cher comment on pourrait au moins l’endiguer.

Le public se figure que les chemins de fer coûtent très cher à l’état, et on reproche constamment aux compagnies la garantie d’intérêt qui leur est versée annuellement. Nous avons expliqué que cette garantie n’était qu’un prêt remboursable, hypothéqué, à gros intérêt, et que par suite il n’y avait là qu’un placement pur et simple fait par le trésor. Mais ce qu’on ignore, c’est qu’au contraire les chemins de fer sont une ressource et une ressource très importante pour l’impôt. Les recettes directes perçues par l’état sur le réseau français se sont élevées en 1878 à 158 millions et, en outre, les compagnies ont rendu à l’état des services gratuits ou insuffisamment payés qui s’élèvent à 72 millions. D’un trait de plume, il est facile de supprimer ces impôts qui grèvent les transports. Pour la grande vitesse, les impôts représentent plus de 20 pour 100 de la perception et ils sont très inégalement répartis. Il semble qu’avant de se lancer dans une opération aussi délicate que d’intervenir dans les relations commerciales, il serait sage de donner cette première et importante satisfaction au commerce.

Si elle est insuffisante, il n’est pas impossible de lui en donner une autre. Quand l’état construit des routes, il les livre gratuitement au public et même il se charge de leur entretien. On vient de supprimer les droits de navigation sur les rivières et canaux, on peut faire quelque chose d’analogue pour les chemins de fer.