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différences n’empêchèrent cependant pas une intimité rapide de s’établir entre les deux jeunes femmes. Cette intimité naquit, je le présume, d’un voisinage de campagne. La Chevrette, où Mme d’Houdetot venait fréquemment chez sa belle-sœur, Mme d’Épinay, Sannois et Eaubonne, où elle passait une partie de l’année, étaient dans le voisinage de Saint-Ouen. Nous allons voir que la première lettre adressée par Mme d’Houdetot à Mme Necker avait pour objet de l’inviter aux représentations de la Chevrette :


Il y a un grand changement, madame, dans les spectacle de la Chevrette. Premièrement on ne joue pas la pièce du chevalier (de Chastellux) mercredy, il n’y aura pas même de spectacle ce jour la. On ne le jouera pas certainement avant samedy, si même on le joue, ce qui commence à devenir fort incertain. On jouera demain mardy Dupuis et Desronais et le Muet de Bagdad, pièce nouvelle d’un au leur qui ne se nomme pas ; on en dit du bien. Je désirerois fort piquer votre curiosité pour cette pièce et qu’elle vous déterminât à exécuter mardy la partie projetée pour mercredy. Je me recommande à vous pour ne pas perdre le plaisir dont je me suis flattée de vous avoir ici encore une journée. M. de Saint-Lambert se joint à moi pour vous assurer que le Muet de Bagdad sera la plus jolie chose du monde. Ce qu’il y a de bien sur c’est que je désire fort ne rien perdre par ce changement de spectacle et que je perdrois bien au de la du plaisir qu’il peut me faire si vous ne veniez pas. Je retourne toujours jeudy aux Ternes, et sens toute la joye possible de me rapprocher de vous.

L’amitié que vous voulez bien me montrer, madame, et tous les charmes de votre société me consoleront de quitter ma retraite qui ne peut m’empêcher de sentir la distance qu’elle met entre nous, surtout dans cette saison.

Sannois, ce dimanche 4 novembre.


À cette même période de prévenances et de politesse plutôt que d’intimité, se rattache cette lettre que Mme d’Houdetot adressait à Mme Necker du château de Novient, près de Pont-à-Mousson :


Vous m’avés promis, madame, de me donner de vos nouvelles et cette promesse est trop flateuse pour ne pas vous la rappeller. Au milieu des plaisirs et de la société aimable dont vous jouisses, n’oubliés pas une personne qui a senty si vivement le prix de la vostre et qui a tant d’empressement de la cultiver. Le pays que j’habite n’a rien d’assés piquant pour vous en entretenir, la vie y est douce sans estre fort animée. Cependant vostre belle âme pourroit s’intéresser au spectacle de gens heureux par des goûts simples et honnestes et par tous les plaisirs domestiques et