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C’est un fait qu’il faut prouver. Ce flanc méridional, chacun le sait, se compose de deux travées de deux arcs superposés chacune, séparés par des clochetons ou pinacoli reposant sur des séries de colonnes. L’angle sur la place Saint-Marc a un contrefort, troisième arc à jour formé par le ressaut de la galerie qui contourne l’édifice.

Le premier grand arc inférieur de la travée, du côté de la place Saint-Marc, porte la lumière dans la chapelle Zen, le second arc inférieur, entre les fameux piliers près du trésor, donne accès au baptistère. Les arcs de l’étage supérieur sont en retraite de toute la largeur de la galerie au pourtour de l’édifice ou ringhiera ; ils correspondent, non plus à la chapelle Zen ni au baptistère, mais à des magasins appuyés sur leurs voûtes. Au-dessous de la naissance de l’arc, ils sont divisés, l’un en cinq et l’autre en quatre travées à jour qui éclairent les chambres; et l’arc lui-même est plein, mais divisé, pour son ornementation, en une série de bandes horizontales richement encastrées de mosaïques, de formelle, de marbres précieux et de pierres rares. Comme dans tout le système décoratif des trois façades, ces arcs plein-cintre supérieurs sont enfermés dans un arc aigu sur lequel rampent de riches feuillages de marbre, d’où, comme des fleurs animées, sortent des statues à mi-corps. Au sommet dominent, se découpant sur l’azur, les saints porteurs de glaive ou de l’évangile,

Telle est la conception dans son ensemble; ajoutez à cela les deux merveilleux piliers du VIe siècle arrachés au temple de San Saba et rapportés d’Acre par Lorenzo Tiepolo ; la charmante Madone du XIIe siècle abritée sous le clocheton, devant laquelle la confrérie de San Fantino allumait deux cierges noirs à chaque exécution capitale qui se faisait entre les deux colonnes de la Piazetta; précieuse image qui a reçu, depuis cinq siècles, avec un suprême Salve Regina, le dernier regard des suppliciés livrés à demi morts aux mains du bourreau. Jetez sur ces marbres, sur ces ors, sur ces pierres, sur toute cette histoire éclatante ou lugubre cette incomparable coloration dont les siècles les avaient revêtus, vous aurez la petite façade sur la Piazzetta, encadrée entre la porte de la Carta et la Loggetta, telle que nous avons tous pu la voir avant 1865.

Les gens du monde, qui, dans un tel tableau, n’embrassent que l’ensemble sans descendre au détail architectural, n’ont sans doute jamais observé que les deux arcs superposés des deux travées n’avaient ni le même rayon, ni le même axe et que, par une disposition résultant d’une audace de construction, d’une grande incurie, ou d’une nécessité créée par le plan, tout le poids du clocheton qui sépare les deux travées supérieures venait, par un formidable porte-à-faux, s’accumuler à 45 degrés sur l’arc inférieur de la verrière de la chapelle Zen. Cette singulière disposition, certainement