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qui s’intitule national avait dirigé tous ses efforts, ont presque tous été battus dans les comtés; c’est ainsi que le marquis d’Hamilton ne reviendra point au parlement; les autonomistes, à leur tour, ont été vaincus dans un certain nombre de bourgs, et la répartition des forces parlementaires n’a point changé. Les conservateurs, pertes et gains compensés, demeurent maîtres de vingt-cinq sièges ; les libéraux en occupent dix-huit, les soixante-trois autres appartiennent aux autonomistes. C’est parmi ceux-ci qu’ont eu lieu les changemens les plus nombreux : la fraction modérée a été écrasée par celle qui prétend mettre en pratique ce que feu M. Butt appelait la politique de l’exaspération. M. Parnell, qui est le chef de ces intransigeans, n’a point vu réaliser le rêve qu’il avait formé; il s’était flatté que les élections porteraient à quatre-vingts le nombre de ses adhérons et qu’il tiendrait la balance entre les libéraux et les conservateurs. Il s’est aliéné le clergé catholique en suscitant des compétiteurs à quelques-uns des membres les plus anciens et les plus estimés de la députation irlandaise, comme O’Connor Don; il n’a pas accru sensiblement le nombre de ses propres partisans, et l’appui que les électeurs irlandais ont donné à l’opposition en Angleterre a valu aux libéraux une majorité assez forte pour qu’ils n’aient jas besoin de compter avec les autonomistes. M. Parnell a trop réussi en Angleterre et pas assez en Irlande.

La défaite des conservateurs en Écosse était prévue, mais elle a dépassé toute attente et pris les proportions d’un désastre. La cause qui a produit ce résultat mérite d’être signalée : un esprit sceptique pourrait en tirer la conclusion que toute réforme n’est pas bonne à faire. Il y a une trentaine d’années, un ministre presbytérien, le docteur Chalmers, a ébranlé jusque dans ses fondemens l’église d’Écosse, en s’élevant contre les abus du patronage, en stigmatisant le commerce simoniaque que certains propriétaires faisaient de leur droit de désigner les titulaires des bénéfices ecclésiastiques. A sa voix, plusieurs centaines de ministres presbytériens se séparèrent de l’église dont ils faisaient partie pour fonder ce qu’ils appelèrent l’église libre d’Écosse, subsistant du produit de cotisations volontaires. Le ministère conservateur, à son arrivée au pouvoir, fit voter un bill qui abolissait le droit de patronage en Écosse, coupait ainsi à sa racine le mal contre lequel Chalmers s’était élevé et faisait disparaître tout obstacle à une réunion des deux églises. Rien ne peut sembler plus louable qu’une pareille pensée; elle était cependant une faute politique : tous ceux qui avaient pris part à l’établissement de l’église libre, qui s’en étaient fait un moyen d’influence et qui jouaient un rôle dans ses synodes, ont su très mauvais gré au gouvernement d’une initiative qui retirait à cette église son principal prestige, et ils se sont dès lors rangés