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un rôle politique par intérim ; ses visées étaient plus hautes, elle aspirait à remplacer l’institution des assemblées nationales ou si, par hasard, on les réunissait encore, elle prétendait soumettre leurs décisions à son contrôle et leur imposer la formalité de l’enregistrement.

En 1649, pendant qu’on négociait la paix de Ruel, qui termina la première fronde, il fut question de convoquer les états à Orléans. Le parlement de Rouen demanda au parlement de Paris s’il convenait d’y envoyer des députés. Il reçut en réponse cette fière déclaration : « Jamais les parlemens, qui sont eux-mêmes un composé des trois états, n’ont député aux états-généraux; ils sont supérieurs à ces assemblées, puisqu’ils jugent en dernier ressort ce qu’elles ont arrêté et délibéré. Les états-généraux n’agissent que par prières, et ne parlent qu’à genoux, comme les peuples et sujets; les parlemens tiennent un rang au-dessus d’eux, comme médiateurs entre le peuple et le roi. » Telle était, au XVIIe siècle, dans la confusion des principes constitutifs de l’ancienne France, la prétention hautaine et l’erreur ambitieuse du parlement de Paris. Simple cour de justice, compagnie de robins et de gens du roi, qui tenait de la couronne seule son existence et son autorité, il s’érigeait en sénat, en tribunal de cassation politique; il s’investissait lui-même d’un droit de veto sur le gouvernement et sur la représentation nationale. Voilà ce qu’avait gagné à la suppression des états-généraux ce despotisme ombrageux, à courte vue, qu’effrayaient les doléances passagères des trois ordres et les éclats intermittens de la voix du pays. Il s’irritait des libertés traditionnelles de la monarchie, et il armait contre lui, à deux pas du Louvre, l’opposition hargneuse et tenace d’un corps inamovible; il subissait l’injure d’une fronde parisienne en permanence, appuyée sur la faveur populaire et couverte de la majesté des lois. L’usurpation parlementaire n’était que la conséquence et le châtiment de l’abus de pouvoir qui abrogeait par la désuétude les institutions représentatives de la France.

En faisant irruption dans le parlement, la politique y porta ses passions, ses intrigues, ses débats orageux et son éloquence retentissante. Aux jours de crise, le palais devint un forum, un rendez-vous des opinions surexcitées, où la rumeur des foules répondait au tumulte des chambres réunies, où les factions en armes attendaient les arrêts qui justifiaient l’insurrection et la guerre civile. Ces graves magistrats, habitués à siéger impassibles sur les fleurs de lis et à recevoir en silence les assauts de l’impétueuse faconde des avocats, se transformèrent subitement sous l’influence enivrante de ce milieu nouveau; il y eut bientôt parmi eux des orateurs et des chefs de parti, des meneurs et des tacticiens d’assemblées, qu’un historien de 6418 qualifie de « généreux capitaines. «