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des âmes, ont donné à l’expression des doctrines et des passions militantes toute sa force et toute son ampleur. Au temps de la fronde, par exemple, le parlement a joué un rôle politique d’une incontestable puissance ; de 1648 à 1652, il a tenu la royauté en échec, il l’a forcée à quitter Paris, il a soulevé et gouverné le peuple, il a fait la guerre et la paix ; il a pris dans l’état l’attitude d’un pouvoir dirigeant et prépondérant. Au XVIIIe siècle, à l’époque des querelles du jansénisme, où s’agitaient sous les arguties scolastiques les plus graves questions du droit public et de la liberté de conscience, le parlement, par son intervention courageuse, a secoué la torpeur de soixante ans de despotisme et de silence absolu ; il a réveillé au fond des cœurs des fiertés et des délicatesses qu’on n’y soupçonnait plus ; il y a ranimé des sentimens d’indépendance que l’obéissance passive avait amortis ; il a donné le branle au mouvement social dont la philosophie, survenant à son heure, a fait une révolution. Si nous avons chance de recueillir dans les délibérations parlementaires quelques inspirations de patriotisme et d’éloquence dignes d’être conservées ; s’il est possible d’y entendre des orateurs dignes d’être écoutés, n’est-ce pas à ces époques ardentes et troublées qu’il faut les demander ? Tout se réunissait alors pour enfiévrer les esprits et passionner la parole. Voilà les deux périodes historiques sur lesquelles nous pouvons utilement insister.

Pour connaître et juger les discours politiques tenus dans l’assemblée des chambres au temps de la fronde, nous ne pouvons attendre aucun secours de la vaste collection des Registres secrets du parlement, rédigés sur parchemin et déposés aux Archives nationales. Ces registres, comme ceux de l’hôtel de ville, ont été enlevés et lacérés en 1668 pour toute la période des troubles, et nous ajouterons que, même pour les années qui n’ont pas subi les représailles d’un pouvoir vindicatif, ils ne contiennent qu’un résumé très sommaire des débats, une rapide mention des principales opinions soutenues et du vote final, se bornant à reproduire in extenso le texte des arrêts et des remontrances. Restent les journaux particuliers, les mémoires personnels, écrits par des conseillers eux-mêmes ou par des auditeurs assidus aux séances, et cette ressource heureusement n’est pas vaine. Au premier rang des relations sur la fronde, que les érudits n’ont pas encore publiées et que les historiens n’ont pas toujours consultées suffisamment, nous placerons un journal in-folio de six cents pages qui se rapporte aux années 1648 et 1649 ; coté sous la rubrique U 336, dans la section judiciaire des Archives, il a pour titre : Débats du parlement de Paris pendant la minorité de Louis XIV, ou Mémoires de ce qui se passa dans