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Louis XIII avait un goût marqué pour la règle : l’ennui maladif qui l’accompagnait ne favorisait aucun désordre, « Sa familiarité, remarque Saint-Simon, qui en éclate d’admiration, estoit mesurée aux degrés de la noblesse. « Il aima et distingua la vraie noblesse, le mérite, l’âge, les dignités, les charges, les emplois, les services avec un sage et junte discernement. Il détesta et empêcha la confusion, les insolences, les entreprises; il voulut l’ordre et la règle partout. Il montra sans cesse qu’il estoit persuadé que sa grandeur consistoit dans le nombre et la distinction des divers degrés qui s’élevoient depuis les plus bas jusqu’à celuy de fils de France. » (P. 82.) Entre la familiarité d’Henri IV et la froideur de Louis XIV, « Louis XIII, également bon et magnanime, digne et familier, sut tenir un milieu qui eût dû être conservé par son successeur. « 

Tels sont les fragmens épars du portrait dont Saint-Simon étudie tous les aspects avec une sympathie particulière et qu’il semble essayer en quelque sorte à plusieurs reprises dans tout le cours du Parallèle. Voici une des meilleures esquisses dans laquelle est dépeint le caractère du roi : « Louis XIII, droit, franc, vray, par l’excellence de son cœur, par la grandeur de son âme, par la simplicité de ses mœurs, par l’exactitude de sa vertu, par la magnanimité de ses sentimens, par sa piété sincère, poussa peut-être trop loin la modestie, l’indifférence personnelle, le mépris, disons plus, la haine des louanges, la défiance de soy-même. Je l’ay dit et je ne crois pas inutile de le répéter ici, luy seul ignora sa valeur, ses exploits, sa capacité militaire, tout ce qu’il eust d’autres talens et en laissa passer la gloire à d’autres par les plus grands monumens d’éloges qu’il ne daigna jamais apercevoir quoy qu’il ne les pust méconnoistre. C’est ce qui a comme enfouy tant de parties grandes, sublimes, tandis que tout a retenti des merveilles du cardinal de Richelieu et des capitaines de ce monarque, qui ne se picquoit de rien que de ses devoirs d’homme et de roy et plus que de tout de ceux d’un parfait chrétien, mais uniquement pour Dieu et pour soy-même. L’immensité de la grandeur de Dieu, dont la considération habituelle et l’adoration en esprit et en vérité l’occupoit intérieurement sans cesse, le monstroit luy-même à luy-même comme un néant et le monde comme un point dont toute la gloire est vaine; il n’ouvroit les yeux que sur la misère et la faiblesse humaine, il ne pouvoit comprendre qu’il n’y eust rien qui la deust enorgueillir et travaillant sans cesse de corps et d’esprit dans l’estat de monarque où Dieu l’avoit fait naistre, il ne pensoit qu’à s’acquiter de son mieux devant luy du travail qui lui estoit prescrit par la Providence, il se regardoit toujours comme un serviteur inutile et considéroit comme un larcin les louanges qu’il gousteroit de ses travaux, tandis qu’il les laissoit aux autres par équité pour leur