Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 39.djvu/417

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du roi se dresse devant lui, il s’arrête et voici les formes sous lesquelles il recouvre le dernier jugement sur le règne : « Que le respect profond que je conserve pour Louis XIV, sous lequel j’ai si longtemps vescu et que j’ai vu de si près, m’arreste sur un gouvernement d’écorce si brillante, de fond si destructif, si hérissé de grandes fautes. » (P. 428.)

Par les portraits que nous avons extraits du Parallèle il est aisé de deviner à quels rangs il place les trois premiers rois de la maison de Bourbon. Les dernières lignes de cet ouvrage le laissent voir distinctement. Après avoir en quelques pages rendu une sorte de sentence historique sur leurs défauts et leurs vertus, il termine par ces mots : « Enfin, c’est maintenant au lecteur à porter un jugement éclairé et équitable entre Henri le Grand, Louis le Juste et Louis XIV, qui, au moins dans les derniers temps de sa vie, a si bien mérité le nom de Grand par la magnanimité incomparable dont il a porté les plus cuisans malheurs d’état et de famille. Au lecteur, dis-je, à estre persuadé que la vérité la plus exacte a conduit ici tous les traits de ma plume et a sans cesse dominé ma juste reconnoissance, plus encore s’il se peut tous mes autres sentimens. » (P. 441.)

Le Parallèle prendra place à côté des Mémoires[1]; il contient des pages trop belles pour demeurer au-dessous d’eux, sans que la composition discordante de cet ouvrage permette de le placer à un rang plus élevé. En le lisant, il semble qu’on écoute parler un vieillard la mémoire toute pleine des souvenirs du passé et ne se lassant pas d’en faire revivre les mêmes images sous des formes toujours diverses : « A quatre-vingts ans, disait un de ses neveux, son esprit étoit comme à quarante, sa conversation enchanteresse. Il ne vivoit plus depuis bien des années que dans sa bibliothèque, ne cessoit de lire et n’avoit jamais rien oublié. » Tel était l’homme dont les réflexions avaient depuis longtemps préparé ce livre, et dont l’éloquence surabondante devait entraîner la plume. Le duc de Luynes le peint à merveille : « Il avoit beaucoup lu, dit-il, avoit une mémoire fort heureuse, mais il étoit sujet à prévention. Il exprimoit fortement ses sentimens dans la conversation et écrivoit de même; il se servoit de termes propres à ce qu’il vouloit dire, sans s’embarrasser s’ils étoient bien françois. » (Mémoires du duc de Luynes, t. XIV, p. 146.)

  1. Un tel chef-d’œuvre ne pouvait pas être longtemps dissimulé aux admirateurs de Saint-Simon. Nous sommes heureux d’apprendre que la maison Hachette qui possède le manuscrit des Mémoires a tenu à honneur de publier dans un délai fort court le Parallèle entre les trois rois.