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doit tout naturellement s’établir entre les navires exportateurs de houille, qui deviendront à leur retour des navires importateurs de minerais de fer.

Seul de tous les bassins houillers de France, celui du Gard est dans des conditions comparables à ceux de l’Angleterre. Non-seulement il est près du littoral, mais la production y dépasse de beaucoup la consommation. Il est d’ailleurs de la dernière évidence que ses produits ne peuvent remonter le cours supérieur de la vallée du Rhône, qui appartient aux charbons de la Loire, encore moins venir faire concurrence au cœur et dans le nord de la France aux charbons allemands et anglais. Il faut donc de deux choses l’une, ou qu’il laisse enfouie en pure perte dans le sol une partie de ses richesses minérales, ou qu’il utilise le superflu de sa production en l’exportant par un port aussi voisin que possible du carreau des mines et qui jouera sur notre littoral le même rôle que les ports de Newcastle, de Cardiff, de Sunderland sur les côtes d’Angleterre.

Ce port ne peut être qu’Aigues-Mortes. Il présente en effet sur Cette et Marseille un premier avantage, — le plus grand peut-être lorsqu’il s’agit du transport de la houille, — celui de la proximité. Il en résulte tout d’abord une économie d’autant plus appréciable que le bénéfice de la vente sur une tonne de charbon est très peu élevé. Mais une des raisons qui semblent devoir recommander Aigues-Mortes d’une manière toute spéciale, c’est la possibilité d’y établir dans d’excellentes conditions toutes les installations nécessaires pour une très large exportation de matières lourdes et encombrantes. Ni Marseille, ni Cette, déjà riches, très peuplées, absorbées par des opérations de transit toujours croissantes, et dont les quais sont déjà trop étroits pour la manutention de denrées de toute sorte, ne sauraient être de grands ports exclusivement charbonniers. L’espace manque, et il faut pouvoir tailler en plein drap pour installer des voies de garage et des appareils de chargement et de déchargement comme on en voit à Swansea, à Cardiff, à Newcastle, à Sunderland, où les-wagons conduisent le charbon, quelques heures après son extraction, sur les écoutilles mêmes du navire exportateur, de telle sorte que le plus grand steamer à hélice reçoit un chargement de près de 1,200 tonnes en moins de quatre heures. On le voit donc: Aigues-Mortes, mieux que tout autre port de la Méditerranée, peut devenir le point de départ de nos charbons indigènes. La prévention séculaire de l’ensablement doit être aujourd’hui complètement dissipée, grâce à des études récentes et à des sondages réguliers exécutés depuis près de trente ans. Le golfe présente une rade foraine parfaitement abritée. La plage est fixe ; les fonds sont constans. Il serait donc possible d’établir dans cet immense enfoncement de la mer un avant-port qui