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aux réunions, dans quelle mesure le commissaire de police pourrait intervenir, s’il aurait en définitive le droit de dissoudre une réunion tumultueuse et anarchique. Ce sont assurément là des garanties bien simples et bien modestes qui auraient pu être votées sans mettre en péril la république. N’importe, tout cela a paru grave à la commission, gardienne jalouse du droit de réunion contre le gouvernement. L’article sur le droit des préfets a été le premier sacrifié; il a été complètement rejeté malgré les efforts méritoires de M. le ministre de l’intérieur, qui a fini par sa résigner, mais qui ne s’est pas facilement consolé de cette suppression, L’article sur le rôle des commissaires de police dans les réunions est devenu une affaire plus sérieuse. La commission a eu plusieurs fois à délibérer, elle a eu des amendemens à examiner, et, tout compte fait, elle s’est décidée à ne pas donner au gouvernement ce qu’il demandait, à laisser le commissaire de police dans son rôle plus que modeste de témoin impassible et impuissant des réunions. Ce malheureux commissaire de police, on voulait bien l’admettre comme une inutilité en écharpe aux honneurs de la séance, on ne pouvait décemment lui reconnaître le droit d’intervenir directement pour faire respecter la loi : c’était trop pour M. Marcou, pour M. Gatineau, pour M. Floquet !

M. le ministre de l’intérieur, il faut le dire, a payé de sa personne et n’a pas craint de se risquer pour sauver une dernière garantie d’ordre public, M. le président du conseil lui-même n’a point hésité à se jeter dans la mêlée, à porter secours à M. le ministre de l’intérieur. Il est arrivé alors ce qui est inévitable, ce qui se reproduira toutes les fois qu’on voudra résister ou s’arrêter : le gouvernement a vu se tourner contre lui une partie de ce qu’il appelle la majorité républicaine, des alliés qu’il se flatte toujours de gagner ou de retenir et dont il ne fait qu’exciter les impatiences. La discussion prenait vraiment une mauvaise tournure, et elle aurait peut-être fort mal fini pour le cabinet dans la séance même si M. le président de la chambre, avec la dextérité d’un habile tacticien, n’eût tout sauvé en décidant encore une fois le renvoi de l’article tant contesté à la commission. La question n’est après tout que suspendue, elle n’est pas résolue. Nous demandons seulement ce que c’est qu’une situation où des hommes qui prétendent former une majorité ne craignent pas de provoquer à tout propos une crise de gouvernement, et où un ministère n’a pas même assez d’autorité pour faire accepter les plus simples de ses propositions.

Est-ce que d’ailleurs les autres membres du cabinet sont plus heureux que M. le ministre de l’intérieur et peuvent se promettre d’échapper à quelque échauffourée comme celle d’hier? Ils peuvent sans doute réussir à esquiver un échec trop direct, à la condition de s’incliner devant des exigences toujours nouvelles qui ne leur laissent