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sous toutes ses formes pour ignorer les périls que cette métamorphose politique pouvait faire courir non-seulement à la liberté, mais au système européen. Il montra donc en perspective une anarchie non moins belliqueuse que tumultueuse, d’un patriotisme exclusif et agressif, et derrière elle, surgissant à la fois, comme un appui et une menace, la Prusse toute prête à la contenir et à la châtier, mais reprenant pour son compte et à son profit ses rêves d’unité nationale et de suprématie européenne. Les révolutions de 1848 et 1849 ne vinrent que trop vite justifier le bien fondé de ces craintes et la sagesse de ces avertissemens.

Il est un point cependant sur lequel les premiers pronostics de l’auteur ne se réalisèrent pas entièrement. Il avait parfaitement deviné l’impuissance où se trouverait l’Autriche, et à sa suite les gouvernemens qui tournaient dans son orbite, d’imprimer une direction quelconque à ce mouvement dont il la voyait d’avance victime. Ce qu’il n’avait pas prévu, c’est que ce pouvoir condamné aurait encore assez de vie non-seulement pour mettre à néant les aspirations de l’Allemagne, mais pour faire reculer le champion même que les destins lui montraient depuis Frédéric II. Rien de plus inattendu que ce réveil. Ce fut un instant comme une résurrection du saint-empire, avec sa hautaine arrogance, son aider esprit de conservation dédaigneux de toute politique roturière, ses traditionnelles prétentions à la monarchie universelle. La dynastie des Habsbourg ressaisissait son pouvoir sur l’Allemagne au moment même où, mutilée et sanglante, on la croyait restée agonisante sur les champs de bataille de la Hongrie révoltée. Depuis le jour mémorable où Ferdinand II, entouré dans sa capitale par les rebelles qui le serraient presque à la gorge, entendit retentir les clairons des hussards de Bucquoy, la maison d’Autriche n’avait pas connu pareil miracle. Ce n’était pas un vrai miracle cependant, c’était un simple prestige dû à un magicien doué du génie de l’audace, Félix de Schwartzenberg, et qui cessa d’être, aussi subitement qu’il était né, avec la mort prématurée de son auteur. Ses effets ne furent donc pas et ne pouvaient être durables; il en eut deux considérables toutefois : le premier c’est que s’il a été impuissant à conserver sa vieille suprématie à la maison d’Autriche, il lui a du moins permis quelques années plus tard de disparaître de l’Allemagne comme elle y avait vécu, avec dignité et grandeur ; le second, c’est que s’il ne put pas parvenir à détruire le mouvement unitaire de l’Allemagne, il eut au moins assez de force pour briser et enterrer son expression momentanée, l’œuvre du parlement de Francfort.

L’histoire de ce parlement célèbre forme la partie la plus considérable et aujourd’hui la plus intéressante des deux volumes