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l’originalité du génie puisse mieux réaliser les espérances de ceux qui cherchent dans le développement de nationalités distinctes la véritable barrière contre la Russie. C’est à juste titre, on le voit, que Saint-René Taillandier a donné pour épigraphe à son livre cette parole de Tacite : « Vetera extollimus, recentium incuriosi : Nous exaltons les choses anciennes et nous restons sans curiosité pour les nouvelles; » car nous ne connaissons pas d’histoire qui donne une instruction aussi exceptionnelle, aussi rare, et ajoutons aussi utile à ceux même qui, selon le mot de Tacite, sont portés à rechercher les choses anciennes aux dépens des nouvelles.

Voilà des travaux d’ordres bien divers et en apparence bien éloignés; ils sont tous cependant reliés les uns aux autres par une pensée commune, cette recherche de l’accord nécessaire entre le christianisme et la raison philosophique, la tradition et la liberté que nous indiquions en commençant ces pages comme la pensée dominante de Saint-René Taillandier. Cette pensée est pour ainsi dire diffuse dans tous ses écrits, s’insinue même dans les sujets qui lui sont le plus étrangers, et n’est absolument absente d’aucun de ses travaux; toutefois quelques-uns lui sont plus particulièrement consacrés, entre autres un volume dont le titre : Études d’histoire religieuse, dit assez le contenu, et dans Bohême et Hongrie l’épisode du règne de George Podiebrad, que l’auteur a traité avec ampleur et nouveauté. Quel sens large, étendu, hospitalier, Saint-René Taillandier donnait à ce mot de religion, il suffit pour s’en rendre compte d’ouvrir le volume des Études d’histoire religieuse dont M. Ernest Renan, Edgard Quinet et Gervinus occupent les chapitres les plus en vue. Ces noms disent à coup sûr qu’il n’y arien là pour l’orthodoxie pharisaïque et que la lettre du christianisme y tient moins de place que l’esprit. Certes on peut soupçonner qu’en entendant notre auteur parler non-seulement sans anathème, mais avec sympathie de talens que d’habitude on ne range pas parmi Ils défenseurs authentiques de la religion, plus d’un pieux lecteur a été tenté de demander avec le chœur d’Athalie d’où venaient à la foi tant d’enfans qu’en son sein elle n’avait pas portés; mais à ces étonnemens d’un zèle étroit Saint-René Taillandier avait une réponse toute prête, c’est que pour lui le christianisme était une grande école de liberté morale. C’était précisément parce qu’il croyait que l’âme humaine, appelée à la vie par le christianisme, ne pouvait conserver de vie qu’en lui qu’il se refusait à comprendre que ce qui avait été dans le passé un principe d’expansion pût devenir un instrument de contrainte. Aussi ne combattait-il pas moins les excès de l’intolérance que les excès de l’impiété, comme le prouve mainte de ses études, notamment un très beau travail