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situation sans une grande dépense : Sheridan se disait pauvre avec 50,000 francs de rente. La plupart des gentilshommes campagnards vivaient sans doute à meilleur marché que Sheridan. Toutefois, comme leur fortune ne consistait qu’en fonds de terre, il était essentiel que nul impôt nouveau ne vînt peser sur le sol. Le parlement, composé de propriétaires, agissait en conséquence. Toute la législation avait pour but d’empêcher l’avilissement du prix du blé. Il était interdit depuis plusieurs siècles d’importer du blé, sauf dans les années de famine, et de l’exporter à moins que le prix n’en fût très réduit.

Le régime qui prévalait n’était pas favorable aux progrès de l’agriculture assurée d’un gain sans modifier en rien ses mœurs ou ses procédés. Cependant l’aristocratie campagnarde ne pouvait vivre toujours isolée des autres classes. L’amélioration des chemins et des moyens de transport, l’habitude qu’on prit de voyager au loin firent sortir le propriétaire de chez lui. En se déplaçant, dans l’échange des idées auquel donne lieu le voyage en commun dans les voitures publiques ou la fréquentation des grandes villes, le gentleman farmer comprit qu’il y avait d’autres intérêts que les siens. Il cessa de se considérer comme la source de tout pouvoir, comme le détenteur de toute fortune. Il apprit que les hommes dont on parlait le plus, depuis Watt et Davy jusqu’à Peel et lord Eldon, le grand chancelier, étaient issus des rangs inférieurs de la société. De nouvelles idées pénétrèrent alors, non dans le peuple, qui n’avait encore ni vote ni influence, mais du moins dans les classes moyennes qu’un degré seulement séparait de la classe dirigeante. C’était toute une révolution sociale. Bien qu’elle se fît peu à peu et qu’il soit embarrassant pour ce motif d’en déterminer l’époque précise, on peut dire néanmoins qu’elle s’accomplit pendant le premier quart du XIXe siècle.


III.

Après les propriétaires terriens, l’église anglicane tenait le premier rang dans le pays. Par son organisation intérieure, elle ne différait point de la société laïque. Au plus haut degré de la hiérarchie étaient les évêques, dotés de traitemens magnifiques. Mais on ne pouvait plus arriver à un siège épiscopal qu’en étant cadet de grande famille ou précepteur d’un homme d’état influent. En 1815, dix évêques étaient fils ou frères de pairs du royaume ; onze autres étaient des professeurs d’université qui avaient eu pour élèves Pitt, ou Perceval, ou lord Sidmouth ; soit en tout vingt et un prélats nommés par ces sortes d’influences sur vingt-six qu’il y en avait alors en Angleterre. Au surplus, aussitôt parvenu jusqu’à ce haut