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le maintien de la discipline qui est remis en question à chaque session. Par le même motif, le parlement se refusa longtemps à laisser construire des casernes. Malgré tout, la Grande-Bretagne avait équipé des soldats en aussi grand nombre qu’il lui était nécessaire : chaque fois qu’elle était entrée en lutte contre une puissance continentale. Mais ses troupes étaient disséminées dans toutes les parties du globe où flottait le pavillon britannique. À peine avait-elle dix-huit mille hommes dans-les garnisons de la métropole à la veille des grandes guerres de la révolution.

Par un singulier contraste avec le vote annuel des subsides et de la loi sur la discipline, les soldats étaient engagés à vie. Ils étaient la lie de la populace. Tant qu’ils restaient au détriment, une discipline de fer, soutenue par une fréquente application des peines corporelles, les maintenait dans le devoir. Congédiés, ils n’inspiraient plus que la crainte ou le dégoût. Un vieux militaire, estropié, misérable, eût été la dernière personne qu’un Anglais eût songé à recueillir chez lui. On était fier des succès remportés par les troupes de Wellington ; on aurait dit que la gloire tout entière en revenait aux officiers et que nulle parcelle n’en devait rejaillir sur ceux qui avaient composé les gros bataillons.

C’est que les officiers sortaient tous de ces classes dirigeantes qui s’étaient réservé déjà tous les hauts emplois des services civils, tous les bénéfices de l’église établie. La profession des armes était, comme partout, la plus noble qu’un jeune homme pût embrasser, à condition d’y débuter par le grade d’enseigne. Dans une famille, l’enfant le plus intelligent était destiné au barreau, qui souvent le conduisait à une carrière politique ; avec des protections, il entrait dans l’église, où, fût-il un peu lourd d’esprit, une position lucrative lui échéait tôt ou tard ; avait-il droit à un héritage, il semblait naturel qu’il devînt le représentant du bourg natal à la chambre des communes. N’avait-il ni intelligence, ni protections, ni fortune héréditaire, l’armée le recevait pourvu qu’il eût un nom, des parens, pourvu qu’il pût faire valoir en sa faveur une influence. Avec un peu d’aide, il achetait une commission ; enseigne à quinze ans, il devenait lieutenant-colonel à vingt-cinq si la chance lui était favorable.

Bien que les campagnes de Wellington en Espagne et en Flandre ; eussent jeté un singulier lustre sur les troupes anglaises pendant les derniers temps de l’empire, l’intérêt que la nation portait à l’armée de terre était de date récente, car ses régimens n’étaient pas habitués à la victoire. C’était la marine de guerre qui avait soutenu, l’honneur du drapeau sous les règnes précédens. Pourtant la noblesse n’embarquait pas volontiers ses enfans, peut-être parce que les voyages lointains, si fréquens à cette époque, séparaient trop