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son essor, l’équilibre se trouvait à peu près normal entre les deux fonds. Aujourd’hui, avec cette menace de conversion qui reste, quoi qu’on fasse et quoi qu’on dise, le 5 pour 100 est entravé, et l’on voit deux valeurs du même état, reposant sur le même crédit, rapportant l’une 4.25 et l’autre 3.55 ; au taux où est aujourd’hui le 3, le 5 pour 100 devrait valoir plus de 140 fr.

Ensuite n’y a-t-il pas pour le gouvernement une grande responsabilité à demander chaque année aux contribuables plus qu’ils ne doivent réellement? L’état emprunterait aujourd’hui à 4 pour 100 et au-dessous le capital pour lequel il continue à payer 5, et comme il a la faculté de rembourser, n’en pas user, c’est tout simplement faire tort aux contribuables de la différence qui représente 74 millions. En vérité, quand on se dit animé d’excellentes intentions envers les contribuables, qu’on cherche à les dégrever le plus possible et qu’on néglige le moyen le plus efficace de le faire, on commet une faute impardonnable, presque un crime de lèse-nation, car on laisse subsister des impôts inutiles et de plus on porte un préjudice considérable au crédit. Si le gouvernement veut se donner la peine de regarder autour de lui, il verra que cette question de la conversion est à l’ordre du jour partout. En Belgique, il y a un an, le 4 1/2 a été converti en 4. Tout récemment, le gouvernement fédéral de la Suisse a également réduit à 4 pour 100 sa dette publique. Nous ne parlons pas de l’Amérique, qui continue sur la plus large échelle son œuvre incessante de conversions et qui en est arrivée à payer déjà moins de 4 pour 100 pour une partie de sa dette. On n’a pas besoin du reste de chercher des exemples au dehors, on n’a qu’à voir ce qui se passe chez nous; toutes les grandes villes de France s’occupent de réduire leurs dettes et de les ramener à un taux d’intérêt plus en rapport avec l’état du marché. La ville de Marseille a commencé en 1877 ; la ville de Paris l’a imitée l’année dernière, et par un arrangement passé avec le crédit foncier, elle a réalisé une économie annuelle de 7 millions sur un capital de 286. Lyon, Bordeaux, Rouen, le Havre sont en train d’en faire autant; il n’y a pas de municipalité ayant un peu de crédit dans notre pays qui ne s’efforce d’abaisser l’intérêt de sa dette. Mais l’exemple le plus saillant a été fourni par le crédit foncier. Cet établissement a converti l’année dernière, jusqu’à concurrence de plusieurs centaines de millions et avec l’autorisation du gouvernement, les obligations foncières et communales 5 pour 100 en d’autres titres ne rapportant guère que 3; la différence a été de 2 pour 100, et elle a été parfaitement acceptée du public, parce que telles étaient en effet les conditions du marché. Il n’y a plus aujourd’hui de bonnes valeurs françaises rapportant 5 et même 4 ; on se