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est pratiqué dans les grands états de l’Europe et de l’Amérique, adopté par les grandes compagnies financières, et que la conversion en 3 pour 100 amortissable permettrait d’établir. Mais dira-t-on, l’amortissement est-il bien nécessaire et faut-il s’imposer des sacrifices pour cela? C’est le dernier point qu’il nous reste à traiter.


III.

On estime que l’amortissement est un non-sens lorsqu’on n’est pas sûr de n’avoir plus à emprunter. On amortira à 100 et on sera peut-être obligé d’emprunter à 80. Il vaut mieux garder son argent et l’employer à faire des travaux qui augmenteront la richesse du pays. On ne voit pas bien non plus l’avantage pratique de payer sa dette; c’est bon pour un particulier dont l’existence est courte et qui tient à ne pas laisser à ses héritiers une situation embarrassée. Les nations dont la vie est longue ont le temps d’attendre le bénéfice des dépenses utiles qu’elles ont pu faire. 26 milliards de dettes sont lourds pour un pays qui doit avoir à peine une somme égale comme revenu brut. Mais ce revenu est susceptible d’augmenter et s’il arrive à doubler en moins de temps qu’il n’en faudrait pour atteindre la fin de l’amortissement, à être de 50 milliards, par exemple, alors la charge se trouve diminuée de moitié: qu’a-t-on besoin d’autre chose? Dans tous les cas, il vaudrait mieux faire jouir immédiatement les contribuables d’un dégrèvement plus fort. Tels sont les principaux argumens des adversaires de l’amortissement. Nous ne les croyons pas fondés. Sans doute, il est bon de faire des travaux qui augmentent la richesse publique, il l’est aussi d’opérer des dégrèvemens d’impôts. La première partie de ce travail a eu pour but de le démontrer, mais il ne l’est pas moins de payer ses dettes. Qui paie ses dettes s’enrichit, dit le proverbe : cela est aussi vrai des nations que des particuliers. En définitive, vous aurez beau augmenter la richesse et faire jouir les contribuables d’un dégrèvement plus important, vous n’en restez pas moins en face d’une dette de 26 milliards. Les conditions de la prospérité varient en tout pays, surtout dans le nôtre, qui est toujours plus ou moins exposé aux révolutions et à la guerre. Quel sera dans les momens de crise l’effet d’une dette de 26 milliards? Il faudrait y songer et se demander quel sera aussi, au point de vue industriel et commercial, la situation de notre pays. L’Angleterre a bien pu avec les 20 milliards de dette qu’elle avait contractées pendant sa lutte contre le premier empire, continuer à faire de grands progrès et à distancer ses concurrens. Elle avait une puissance de capitaux et des moyens de production que l’on n’avait pas encore imités. Aujourd’hui, les