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conditions sont changées, les nations sont à peu près outillées de même pour la production, elles profitent toutes de l’abondance et du bon marché des capitaux, et elles ont toutes des moyens de transport faciles et économiques. Ce n’est plus qu’une question de frais de main-d’œuvre pour arriver à produire au meilleur marché. Or les frais de main-d’œuvre se ressentent singulièrement de la charge des impôts. Un pays qui a un budget de près de 3 milliards comme le nôtre avec les dépenses extraordinaires, et qui arrive à 4, si on y joint les dépenses départementales et communales, qui a une somme d’intérêts à payer chaque année de plus de 1,200 millions, n’est pas sous ce rapport dans une situation aussi favorable que ses concurrens qui n’ont pas les mêmes charges. « L’avenir industriel et commercial, a dit un homme éclairé de nos jours, appartient à la nation qui aura le moins de dettes. » On se plaint beaucoup de nos tarifs de chemins de fer; on prétend qu’ils sont plus élevés qu’ailleurs, ce qui n’est pas bien démontré, mais ce qui est certain, c’est que nos charges sont plus lourdes que partout. Nous sommes en présence de concurrens redoutables, l’Angleterre et les États-Unis. Ces deux pays n’ont plus qu’une préoccupation : réduire leurs charges pour produire au meilleur marché possible. Nous avons dit que l’Angleterre, depuis un certain nombre d’années, avait diminué ses impôts de plus de 700 millions, elle a diminué aussi sa dette publique d’environ 3 milliards et, en y comprenant le profit qu’elle a tiré de diverses conversions, elle a 200 millions de moins d’intérêts à payer par an qu’en 1815.

Elle pourrait s’en tenir là d’après la maxime qu’on cherche à faire prévaloir : qu’il faut surtout augmenter la richesse et ne pas se préoccuper d s charges. Elle est aujourd’hui 3 ou 4 fois plus riche qu’il y a soixante ans. L’intérêt de sa dette, qui, au dire de M. Baxter, absorbait, en 1815, 9 pour 100 du revenu brut du pays, en prend moins de 3 à l’heure actuelle. Cela ne suffit pas pourtant à l’ambition de nos voisins; on les voit tous les jours créer des annuités viagères et à terme pour réduire le plus possible le capital de leur dette. C’est un genre d’amortissement assez dur et qui n’est pas à l’usage de tout le monde ; il faut être riche pour le supporter, car il consiste à augmenter les charges du présent pour diminuer celles de l’avenir. L’Angleterre s’y résigne en vue de l’avantage qu’elle en retirera un jour. Elle se résigne aussi à payer dès maintenant, au moyen d’impôts ou d’annuités à court terme, toutes les dépenses extraordinaires qu’elle peut faire. C’est ainsi qu’elle a supporté celles de la guerre de Crimée, qui lui a coûté, comme à nous, environ 1,700 millions. Elle a fait de même pour la guerre d’Abyssinie, et elle n’emploiera pas un autre procédé