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recourir à la signature pour attribuer à M. Guillemet cette Vue du Vieux quai de Bercy, qu’il a enlevée avec tant de brio. Dès l’abord vous reconnaissez le pinceau de M. Japy et la vivacité diaprée des nuances qu’il affectionne dans ces Plaines de Villers-Cotterets, dont il a su étendre jusqu’à l’horizon les profondeurs, en permettant à votre regard de pénétrer partout la vaste étendue des terrains et de s’enfoncer librement dans ce ciel joyeux où le soleil qui, du haut du zénith darde ses rayons, désagrège devant lui les nuages flottans.

Vous vous demandez par quel mystère l’art a pu fixer des impressions si délicates que leur ténuité même semblait les lui dérober: comment, par exemple, M. Flahaut vous donne-t-il l’illusion de ce souffle qui fait bruire les feuillages et incline mollement les roseaux et les folles herbes au bord de son Etang ? A voir l’éclat avivé de la végétation et l’animation de ce ciel dont le bleu se nettoie peu à peu, n’affirmeriez-vous pas qu’il pleuvait encore il n’y a qu’un moment sur ces prés des Bords de la Marne, où M. Yon pique avec tant d’esprit quelques fleurettes, et ne sentez-vous pas le parfum subtil qui de ces foins fraîchement coupés arrive jusqu’à vous? Avec son dessin si ferme et son entente si large de l’effet, M. Harpignies, dans une de ses meilleures aquarelles, Après l’orage, vous apprendrait à son tour avec quelle âpre énergie la terre détrempée se détache sur un ciel blanchâtre, avec quelle violence les arbres y découpent leur silhouette. Il faudrait bien vous arrêter aussi devant cette Plage de Saint-Waast-la-Hougue de M. Vernier et jouir, par cette douce journée, du charme étrange de ce grand pays incertain, à demi délayé, dont l’artiste excelle à peindre les aspects changeans et la limpide atmosphère. Notre France parcourue, M. Guillaumet, qui revient « du pays de la soif, » vous montrerait, sous un soleil sans merci, ses habitans, leurs misérables demeures, leurs accoutremens bizarres et les éclatantes colorations dont ils teignent leurs Palanquins. En Circassie, nous ne saurions prendre un meilleur guide que M. Pasini pour admirer avec lui ces monumens dont il nous révèle la richesse et le fin travail, et pour admirer plus encore cette exécution d’une si prodigieuse habileté qui procure à vos yeux l’étonnement d’une précision absolue poussée jusqu’aux détails les plus minutieux, sans sécheresse et sans dureté. Enfin nous ne quitterons pas l’Orient ayant d’avoir visité avec M. J. Laurens la forteresse pittoresque qu’il a perchée comme un nid d’aigle en haut du Rocher de Vann et d’avoir retrouvé dans l’azur intense du ciel et le rose brillant de ses Remparts de Tauris un reflet des harmonies que les Persans recherchent et réalisent dans leurs étoffes et leur céramique.