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la masse d’informations dont il disposait, les rapprochemens féconds qui sollicitaient cette intelligence naturellement vive; ses aptitudes diverses, cette énergie enfin et cette ténacité parfois héroïque qu’il mettait au service d’une santé de fer et d’une étonnante compréhension des formes de la nature pour essayer de surprendre sur le vif la simplicité logique des structures dans le massif compliqué du Mont-Blanc. A l’exemple de Viollet-Leduc, M. de Baudot, son meilleur disciple, s’attache à appliquer ses principes dans les restaurations relatives au château de Laval et à l’église du Taur. Enfin MM. Deslignières et Levicomte nous apportent une étude complète sur des édifices ou des fragmens empruntés à diverses époques qui se trouvent à Périgueux ou aux environs, travail très remarquable, accompagné de légendes, de plans et de projets de restaurations, qui, nous l’espérons, sera publié sous la forme qu’ils lui ont donnée et qui mériterait même de provoquer dans toutes nos villes des recherches ou des études pareilles. Malgré toutes les ruines que le vandalisme ou l’incurie ont faites sur notre sol, il est encore bien riche en monumens et, à côté de cet inventaire écrit qui a été si justement prescrit, les inventaires figurés, qui d’année en année se poursuivent, nous attestent cette richesse. Ils nous révèlent en même temps par les modifications locales que le goût ou la nécessité apportaient dans les constructions d’une même époque, la souplesse de notre génie national pour se prêter ainsi aux conditions les plus diverses avec un si parfait à-propos.

Avons-nous donc perdu cette faculté d’invention et sommes-nous condamnés, pour notre architecture moderne, à ne vivre que d’emprunts faits à tous les âges et à tous les styles? Il serait injuste de le dire, mais, à voir le peu d’idées personnelles qui s’allient parfois à l’érudition la plus haute, on serait tenté d’accuser cette science stérile qui n’aboutit qu’à paralyser toute initiative et à nous écraser sous le poids de l’art du passé. Comme les précédens, le Salon de cette année est assez pauvre en projets de constructions vraiment modernes. Ces écoles qui ont l’apparence de prisons ou d’usines, et ces mairies qui semblent des habitations particulières, peuvent bien présenter les appropriations intérieures les plus ingénieuses, mais on ne saurait admirer beaucoup leur caractère architectural. Avec le dessin d’une porte qui rappelle ses heureuses applications de la céramique à la construction qu’on avait remarquées au Palais du champ de Mars, M. Sédille a exposé le modèle d’un monument funéraire, destiné, croyons-nous, à la reine Mercedes. La disposition en est claire, élégante, et la polychromie, que nous retrouvons ici, y joue un rôle discret et opportun. Peut-être y aurait-il encore intérêt à le restreindre, du moins pour cette statue couchée, qui, dorée elle-même, disparaît au milieu des dorures répandues