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tel que l’Espagne. La cour de Rome s’en émut. Le pape Innocent XI (Odescalchi), né à Milan, avait servi comme officier dans les armées espagnoles et s’intéressa toujours vivement aux affaires de cette monarchie. Il demanda que l’ancien favori fût « restitué à l’église, » et sa cause remise entre les mains de l’autorité ecclésiastique, ordonnant en outre que le prisonnier fût réintégré dans la possession de ses biens confisqués sans forme de procès. On fit d’abord la sourde oreille. Mais le 30 mars 1677 arriva un bref plus menaçant accompagné d’excommunication contre les auteurs du sac de l’Escurial. On eut alors l’air d’obéir. De Consuegra, Valenzuela fut conduit avec de grandes précautions à l’église de Temblèque, d’où on le ramena à Consuegra après avoir pris la précaution de faire bénir la pièce qu’il y habitait. Ces casuistes purent affirmer dès lors que le prisonnier était « restitué à l’église, » y que estaba en sagrado. La faiblesse du nonce Mellini se contenta de cette comédie, dont le public impartial fut indigné, mais il ne céda point sur la question de juridiction. L’intervention de la cour de Rome était après tout le meilleur moyen d’en finir avec cette grande affaire, qui remuait l’état et touchait à des points si graves et si délicats. Dans l’intérêt de la dignité du trône, de la paix publique et de la conservation du prisonnier, le nonce rendit un décret qui exilait pour dix ans Valenzuela aux îles Philippines, lui assignait pour résidence le château de San Felipe de Cavité, en l’île de Luzon, avec défense d’en sortir sous peine d’excommunication. Ce décret qui semblait dépouiller Valenzuela du droit de faire entendre sa justification, fut vivement commenté dans Madrid, et révéla l’existence d’un nombre fort grand de valenzuelistas. Les auteurs du sacrilège de l’Escurial durent faire amende honorable en chemise et la corde au cou au collège impérial. Le nonce leur donna quelques coups. de discipline et leva les censures. Valenzuela fut extrait de sa prison et dirigé sur Cadix, où il fut provisoirement déposé au fort del Puntal.

Notre récit serait incomplet si nous ne disions quelques mots du traitement qui fut infligé à la femme et aux enfans du proscrit. On se saurait s’imaginer, si on n’en avait la preuve certaine, à quels procédés indignes d’un gentilhomme, à plus forte raison d’un prince de sang royal, s’abaissa la persécution organisée contre ces infortunés.

Doña Maria de Ucedo demeura d’abord quelques jours à l’Escurial privée de tout, sans savoir ce qu’était devenu son mari, ni ce qu’elle deviendrait elle-même. Après toute sorte de négociations et de délais, on finit par la mettre dans une mauvaise charrette, avec ses deux enfans et quelques serviteurs, et elle prit le chemin de Madrid. Arrêtée, menacée plusieurs fois sur la route par des soldats,