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atteinte audacieuse à la constitution du royaume. Ce conseil avait le privilège d’obtenir audience du souverain lorsqu’il le réclamait ; il présenta donc au prince régent une adresse rédigée dans le sens de la délibération qui vient d’être racontée. Dans presque toutes les villes de l’Angleterre, de nombreux meetings se prononcèrent dans le même sens. On en avait voulu supprimer un ; cette tentative de résistance avait mis partout le peuple en mouvement. Et que l’on n’imagine point que la populace s’animât seule sur ce sujet. À York, vingt mille personnes s’assemblaient sous la présidence de lord Fitz-William, lord-lieutenant et l’un des plus riches propriétaires du comté. Le meeting de Manchester, source de cette agitation, avait été l’œuvre des radicaux. C’étaient maintenant les whigs modérés qui blâmaient la conduite suivie par le cabinet dans la circonstance et qui prétendaient défendre contre les ministres les privilèges du public.

Il faut convenir que les ministres n’hésitèrent pas. Leur premier acte fut de révoquer lord Fitz-William de ses fonctions de lord-lieutenant. Ils venaient de convoquer le parlement, en disant tout haut que, puisque les lois en vigueur étaient insuffisantes, ils allaient en proposer de plus sévères. Leur situation était très forte dans les deux chambres, car, outre que la majorité numérique leur était acquise, personne ne se souciait de s’allier aux radicaux. Les whigs libéraux étaient perplexes ; l’agitation populaire ne leur inspirait aucune sympathie ; ils auraient voulu des. réformes anodines, sans que presque rien fût changé. Quant aux wighs modérés, Grenville, leur chef, ne leur permit pas de tergiverser. Il avait approuvé Pitt proposant des mesures de rigueur au début de la révolution française : il se souvenait que cela avait réussi ; les circonstances lui paraissaient être les mêmes. Il demandait que lord Liverpool eût le courage de suivre l’exemple de Pitt.

Les mesures proposées par le ministère sont connues dans l’histoire sous le nom des « six actes » de lord Castlereagh, à qui l’on en attribue l’initiative. Le premier interdisait aux citoyens qui ne font point partie de l’armée d’étudier le maniement des armes et de se livrer à des exercices militaires. Le gouvernement voulait par là rendre impossible les processions régulières de milliers d’individus, comme on en avait vu notamment dans la journée de Peterloo. Cette loi paraît bizarre aujourd’hui, surtout en France, où l’on veut même que les enfans apprennent à marcher au pas dès l’école primaire. Le second acte enlevait aux hommes inculpés de conspiration contre l’état le droit d’obtenir une remise jusqu’à la session suivante des assises. Cette proposition était de peu de conséquence : lord Holland eut l’adresse de faire passer un