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George III avaient été des hommes, dit Thackeray ; leur héritier ne fut qu’un monarque insignifiant et sans caractère. Pour commencer, la parole appartenait aux ministres que le roi défunt avait laissés en fonctions. Ceux-ci s’empressèrent de dissoudre la chambre des communes, qui, d’après la loi constitutionnelle, devait être renouvelée dans les six mois de la vacance du trône. Les élections furent calmes ; elles ne modifièrent pas la force respective des partis. Le nouveau parlement, aussitôt rassemblé, se trouvait en présence d’une question où la dignité même du souverain était enjeu ; il avait à régler la liste civile de George IV.

Peut-être verra-t-on là mieux qu’ailleurs ce que conservent de puissance les vieilles coutumes dans un pays qui prétend se gouverner lui-même. Reportons-nous à deux siècles en arrière ; jusqu’à la fin du XVIIe siècle, les rois d’Angleterre disposaient sans contrôle des revenus publics ; par compensation, ils payaient toutes les dépenses de l’état, et personne n’avait le droit de leur en demander compte. Lorsque, de temps en temps, leur trésor était vide, les communes accordaient des subsides temporaires, sans jamais spécifier l’usage auquel ces sommes seraient employées. Après la révolution de 1688, la chambre n’a plus cette confiance ; elle donne davantage, mais en décidant que c’est destiné à la marine, à l’armée ou au paiement des intérêts de la dette. Les dépenses du gouvernement civil restent seules à la charge des revenus héréditaires que le souverain reçoit sans intermédiaire. À l’avènement de la reine Anne, ces revenus parurent insuffisans ; on y ajouta une somme d’argent annuelle par une loi sur la liste civile, que l’on convint de maintenir en vigueur tant que la reine vivrait. Modifiée à chaque nouveau règne, la liste civile fut fixée à 800,000 livres sterling pour le roi George III. C’était un monarque économe, et pourtant le parlement fut obligé plus d’une fois de payer ses dettes, bien qu’il eût en outre à sa disposition une liste civile écossaise, une liste civile irlandaise et divers impôts, tels que navires ennemis capturés en temps de guerre, épaves, biens de successions vacantes. Les dépenses imputables sur ces ressources étaient au surplus fort nombreuses : emplois diplomatiques, salaires des magistrats, du président de la chambre des communes et d’autres grands officiers d’état, pensions accordées à des individus qui avaient rendu des services à leur pays ou captivé la faveur du monarque.

La chambre de 1820 ayant à débattre la liste civile de George IV, Brougham pensa que le moment était venu de restituer au budget de l’état les dépenses d’intérêt public et de laisser au budget personnel du souverain seulement les dépenses qu’il doit faire pour