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quiète, l’autorité allemande croit néanmoins indispensable de tenir constamment sous sa main. En vérité, c’est là, après un temps si long, un singulier régime « définitif » qu’on offre à des « frères reconquis, » et l’on concédera que, tant au point de vue administratif que sous le rapport politique, leur docilité et leur soumission méritaient peut-être un peu mieux de la part d’un gouvernement qu’on aurait pu supposer, dans sa magnanimité, plus jaloux qu’il ne l’est en fait, de leur donner quelque marque de confiance et d’amour.

Reste, il est vrai, la part qui est assignée au Landesausschuss dans l’organisation nouvelle : le moment est venu d’examiner, au point de vue pratique, le rôle que cette assemblée législative est appelée à jouer.

II.

On sait que le Landesausschuss, créé en octobre 1874, ne fut, à l’origine, qu’un simple comité consultatif de trente membres, pris par voie de délégation au sein des trois conseils généraux du pays, en vue d’éclairer de ses avis l’administration, restée abandonnée jusque-là à ses propres lumières, et de faire en même temps échec à la députation, toute d’opposition, que les électeurs d’Alsace-Lorraine venaient d’envoyer au Reichstag. Le parti indépendant, composé des deux groupes qu’autonomistes et Allemands se plaisent à qualifier de « protestationnistes » et d’ultramontains, et qui comprend environ les quatre cinquièmes ou tout au moins les trois quarts du corps électoral, était demeuré complètement étranger à la formation des conseils généraux depuis le jour où le gouvernement, s’armant d’une ancienne loi française antérieurement abrogée, avait soumis les membres de ces assemblées à la prestation d’un serment politique. J’ai dit ailleurs à l’aide de quelles majorités de rencontre on arriva finalement à constituer ces conseils, dont la plupart des membres étaient déjà politiquement assermentés à d’autres titres. La délégation qui en devait sortir ne pouvait être que tout à la dévotion du gouvernement. Elle lui rendit en effet des services assez appréciables pour que, trois ans plus tard, en 1877, dans son désir d’empêcher la reproduction trop fréquente des désagréables débats que les députés alsaciens et lorrains de l’opposition provoquaient à la tribune du parlement de Berlin, il demandât au Reichstag, qui y consentit, de renoncer, en faveur du Landesausschuss autonomiste, au droit de légiférer sur les choses d’Alsace-Lorraine. Le parti indépendant se trouvait ainsi par le fait graduellement écarté de toute participation aux affaires publiques, et cette situation commençait à le préoccuper quand survint la loi du 4 juillet 1879, constitutive de l’organisation nouvelle. En