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puisque les Alsaciens-Lorrains s’obstinent à ne rien faire pour leur rendre la vie agréable et commode, il faut bien que de gros traitemens et autres « douceurs, » comme on dit en Prusse, leur tiennent lieu de fiche de consolation. Leurs droits à tous sont désormais acquis ; la loi impériale allemande, qui a étendu le principe de l’inamovibilité absolue à toutes les branches de l’administration, assure, sauf de rares exceptions, au moindre employé et au plus modeste fonctionnaire de l’empire une situation matérielle à peu près inexpugnable. Installés dans la place, il est naturel qu’ils entendent y rester, et si le Landesausschuss, faisant le compte, s’avisait de trouver qu’il en est parmi eux un grand nombre dont « le bien du service » se passerait à merveille, l’administration se hâterait de lui répondre par la bouche de M. Herzog :

Je suis prête à sortir avec toute ma bande,
Si vous pouvez nous mettre hors.

Le Landesausschuss s’y casserait les dents. Il a déjà pu voir, dans une circonstance récente, le danger qu’il y a de s’attaquer, même indirectement, à cette gent d’autant plus irritable et plus susceptible qu’elle a conscience de remplir strictement ses devoirs envers l’empire en se montrant le plus rêche qu’elle peut à l’égard d’adversaires avoués des institutions qu’elle sert. Une commission du Landesausschuss ayant consigné dans son rapport des critiques très fondées sur certains détails de service, les fonctionnaires qui se sont crus atteints ont aussitôt menacé, par la voie de la presse, rapporteurs et orateurs de les poursuivre en diffamation s’ils persistaient à se mêler de choses qui ne les regardent pas. Le Landesausschuss, justement offusqué, s’est alors souvenu que le législateur avait négligé de lui assurer par l’inviolabilité parlementaire une entière liberté de discussion, et il a réclamé pour ses membres cette immunité reconnue indispensable à toute assemblée délibérante, mais qu’on n’aura garde de lui accorder. L’administration veut tenir le Landesausschuss sous sa dépendance et ne le trouve déjà que trop émancipé par l’intrusion de certaines personnalités qui y ont pénétré en se soumettant, contre toute attente, à la formalité du serment.

C’est, on le voit, un rôle des plus ingrats et plein d’embûches que celui qui est assigné à cette assemblée. Entre l’administration et elle, la partie n’est rien moins qu’égale. On ne réussira à faire bon ménage qu’à condition d’aller, en toutes choses de quelque importance, au-devant des désirs d’en haut. Le Landesausschuss ne peut rien sans l’assentiment du conseil fédéral, bien que, dans ce comité suprême des représentai des souverains allemands, l’Alsace-