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villes, le mécontentement des basses classes se traduisait par des manifestations politiques. Dans les campagnes, l’agitation prenait une autre forme. L’usage des machines à battre commençait à se répandre ; les paysans y perdaient une partie du travail qui les aidait à vivre : ils s’en vengeaient en brisant les machines, en incendiant les granges. Ces actes de violence excitaient les réactionnaires à la résistance, tandis que les modérés, plus clairvoyans, se disaient que le moment était venu d’appeler un plus grand nombre de citoyens au partage des droits politiques.

Le cabinet flottait entre ces deux sentimens opposés. Par conviction, Wellington se serait volontiers rapproché des tories ; mais ceux-ci se défiaient de lui et surtout de Peel. Il eut la pensée de se retourner du côté opposé et de consolider le ministère en y introduisant quelques libéraux choisis parmi les plus raisonnables, ceux par exemple qui, ayant appartenu aux administrations précédentes, ne pouvaient être des adversaires irréconciliables. Huskisson était de ce nombre, mais il périt sur ces entrefaites par un accident de chemin de fer, à l’inauguration de la ligne de Manchester à Liverpool. Il y avait encore Palmerston et Melbourne ; le premier avait été secrétaire de la guerre pendant vingt ans ; le second, qui venait d’hériter de la pairie, avait été secrétaire en chef de l’Irlande, au temps du ministère Canning, sous le nom de William Lamb. C’étaient là des esprits sages, modérés, rompus aux luttes parlementaires ; pour Wellington et Peel, c’étaient presque des amis politiques. Aux premiers offres qui lui furent faites, Palmerston répondit qu’il ne rentrerait plus aux affaires qu’avec lord Lansdowne et lord Grey ; puis, comme si ces noms n’étaient pas assez significatifs, il fit entendre clairement qu’il était décidé à voter la réforme parlementaire. Wellington n’était pas encore résigné à cette évolution ; les négociations furent rompues à la veille de l’ouverture de la session.

Le discours royal fut prononcé le 2 novembre 1830. Il y était question des Belges, que l’on appelait des sujets révoltés, des révolutions étrangères, que le roi avait apprises avec un profond regret, des troubles intérieurs, qu’il se disait résolu à réprimer par tous les moyens en son pouvoir. Ce n’était pas là ce qu’attendait l’opinion publique. Cette façon de parler des événemens de Belgique avait l’air de présager une intervention armée, ce qui fut cause que les consolidés baissèrent de 3 pour 100. Lord Grey se fît l’interprète du mécontentement des libéraux. « Le danger des révolutions nous menace, dit-il ; l’ouragan souffle autour de nous ; il n’y a qu’un moyen de reconquérir l’affection de nos concitoyens, c’est de réformer le parlement. » Wellington s’attendait-il à être interpellé sur ce sujet ? On aime à croire que, pris à l’improviste,