Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 40.djvu/367

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

y eut des émeutes à Nottingham, à Derby ; partout des meetings s’organisèrent pour prendre des résolutions en faveur du ministère. La chambre des communes ne s’était pas laissé devancer dans cette voie. À la première séance après le vote des lords, elle exprima sa confiance dans le cabinet à la suite d’un débat prolongé dans lequel Macaulay, nouveau venu dans le parlement, montra pour la première fois ce dont il était capable. « Autrefois, s’écria-t-il, lorsque les vilains s’insurgeaient pour échapper à la tyrannie des seigneurs, le roi se mettait à leur tête en leur disant : c’est moi qui vous conduirai, et la multitude furieuse lui obéissait. Imitons cet exemple aujourd’hui. Disons à nos concitoyens : C’est nous qui vous conduirons. Le pouvoir légal dont nous sommes investis est au service de votre cause ; et ce pouvoir légal est si puissant que nous finirons par triompher. » Les députés libéraux étaient-ils certains que la multitude leur obéirait ? La situation des comtés était de nature à justifier les alarmes du parti réactionnaire. La foule ameutée brûlait à Nottingham le château du duc de Newcastle ; ailleurs la maison d’un tory était saccagée. Lord Londonderry, traversant Londres à cheval, était injurié et renversé. À Bristol, les manifestations furent d’une nature encore plus grave. L’attorney-général Wetherell, qui avait combattu le bill de réforme autant qu’il était en son pouvoir, se rendait à Bristol pour y remplir les fonctions judiciaires dont il était investi. La foule le hua lorsqu’il fit son entrée ; puis, le jour où il voulut prendre séance à la maison commune, elle envahit l’édifice et le saccagea. Un détachement de cavalerie qui tenait garnison dans le voisinage fut appelé par les autorités municipales ; mais cette troupe, mal commandée, se replia après une courte résistance. Les émeutes, enhardis par la lutte, incendièrent la maison commune, la prison, le palais épiscopal. Pendant trois jours, la ville leur appartint. Et comme s’il n’avait pas suffi de ces troubles dans les esprits et dans. les rues pour effrayer les gens sages, un fléau inconnu, le choléra, qui avait ravagé la Russie au printemps, était apporté de Riga à Sunderland par un navire de commerce, malgré la quarantaine et les précautions sanitaires que le gouvernement avait prescrites.

Le parlement, prorogé au lendemain du vote des lords, se réunissait de nouveau le 6 novembre, au milieu de ces circonstances décourageantes, et six jours après, fidèle à la ligne de conduite que l’opinion publique lui commandait de suivre, le cabinet présentait un troisième bill de réforme. Pour sauver les apparences, on y avait apporté quelques changemens : les bills précédens réduisaient le nombre des membres des communes ; cette fois, les députés restaient au même chiffre, 658 ; quelques bourgs conservaient leurs représentans ; de grandes villes en obtenaient