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ques, il n’en a pas moins une façon de sentir et de penser, et par suite une histoire dont les étroites ressemblances avec la nôtre frappent tous ceux qui se donnent un peu la peine de l’étudier. L’effet de surprise n’en a pas moins été produit, et nous avons trouvé vraiment du nouveau sous le soleil.

Croirons-nous d’ailleurs avec les érudits que cette conquête glorieuse de l’Orient par l’érudition contemporaine doive mener un jour à des résultats dont l’importance égale ceux qu’enfanta jadis la Renaissance des études grecques et latines ? C’est l’avenir qui nous l’apprendra. Ce qui du moins n’est pas douteux, c’est que déjà, dans le siècle où nous sommes, la connaissance encore très vague et très superficielle que nous avons de l’Orient a singulièrement élargi les bornes de l’histoire et reculé les horizons de l’esprit humain. Autre raison de la légitime curiosité que provoquent les études orientales. Il n’est pas impossible que du commerce des littératures et de l’histoire de l’Inde, par exemple, on puisse tirer un profit intellectuel positif, mais à défaut de ce profit lui-même on ne laissera pas d’en tirer quelque chose : « Hindous, Chinois, musulmans, disait un bon juge, sont en possession d’un système théologique, philosophique et historique complet qu’ils savent défendre avec toutes les ressources de la dialectique que l’on enseigne dans leurs écoles. » La connaissance de cette dialectique ou de cette scolastique, la possession de ces métaphysiques ou de ces théologies, quand elles ne serviraient à rien autre chose, on ne peut contester qu’elles donneraient à la philosophie de l’histoire une base bien autrement large que la base étroite sur laquelle elle a reposé jusqu’ici. Là n’est pas le moindre intérêt des études orientales. Elles étendent plus loin de jour en jour notre connaissance, de l’homme, et non-seulement de l’homme blanc, jaune, ou noir, mais de l’homme universel.

Ajoutez enfin qu’elles ont ce grand attrait encore d’être toutes récentes. Elles ne datent que d’hier, puisqu’elles ne datent, à vrai dire, que des premières années de ce siècle. Jusqu’alors, tout occupée qu’était l’Europe savante à s’assimiler l’esprit de l’antiquité grecque et latine, on ne s’était guère soucié que des littératures sémitiques, — en fait de littératures orientales, — et de ces littératures sémitiques elles-mêmes qu’autant qu’elles constituaient un secours, un supplément de justification, un trésor de renseignemens et d’argumens pour les études théologiques. On ne s’inquiétait des rois de Ninive et de Babylone qu’autant que quelques parties de leur histoire s’étaient mêlées à l’histoire d’Israël. On ne prenait intérêt à Nébucanetzar qu’autant qu’il était bœuf devenu sous le nom fameux de Nabuchodonosor. C’était un point de vue, mais il était étroit. On n’en a pourtant changé que de notre temps. Nous ne saurions avoir la prétention de retracer l’histoire des progrès accomplis depuis lors. La place nous manquerait, et surtout l’universalité de com-