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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



14 juillet 1880.

Lorsqu’il y a deux ans, Paris s’illuminait spontanément pour l’inauguration de l’exposition universelle, il semblait se sentir revivre et saluer sa propre résurrection dans ce spectacle éblouissant de l’industrie et des arts qui se déployait au champ de Mars. C’était une occasion exceptionnelle saisie avec une sorte d’impétuosité par une population impressionnable et vive. Aujourd’hui on a voulu donner à la république une fête plus significative, plus permanente, en décrétant un anniversaire officiel, et pour en redoubler l’éclat on a voulu compléter la célébration du 14 juillet par la cérémonie toute militaire de la distribution des nouveaux drapeaux à l’armée. Paris s’est encore une fois pavoisé et illuminé tout entier, comme il s’est déjà illuminé et pavoisé si souvent dans d’autres temps. Ce n’est point assurément un mal d’avoir des journées consacrées à l’oubli de tous les labeurs, à des amusemens populaires ou à des commémorations généreuses. Les fêtes publiques sont dans le programme de tous les gouvernemens ; chaque régime veut avoir ses solennités, ses anniversaires. L’essentiel est de savoir faire un choix et de ne pas laisser dénaturer ces réjouissances d’un jour par des exagérations puériles ou déplacées, par des ostentations qui ne répondent ni aux circonstances, ni aux sentimens intimes du pays. Que tout ait été également heureux dans le choix du jour désigné pour la nouvelle fête publique, dans cette explosion de réjouissance officielle dont le gouvernement a donné le signal, dans ces spectacles qui remplissent Paris, non vraiment, oh ne peut le dire. On pouvait donner au peuple français sa fête, on aurait pu la célébrer autrement, en s’inspirant un peu moins de préjugés de parti, un peu plus de la situation de la France, en évitant tout ce qui pouvait ressembler à de la jactance ou à de l’oubli.

Ce n’est point sans doute en se nourrissant perpétuellement de son deuil et en se couvrant de cendres qu’une nation virile peut se relever