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Il faut bien cependant tenir compte de la position difficile d’un pape plein de mesure qui récemment encore n’a point hésité à recommander aux catholiques belges le respect de leur constitution, qui les a détournés de s’abstenir dans les prochaines fêtes nationales. Les catholiques, dans tous les cas, auraient tort de s’abstenir. Les libéraux n’ont pas moins tort dans un pareil moment d’offenser par une rupture acerbe une opinion puissante qui a contribué autrefois autant que l’opinion libérale à l’affranchissement du peuple belge. On aura beau dire, en Belgique comme partout, les gouvernemens peuvent fort bien défendre comme ils le doivent la société civile sans recourir à ces guerres à outrance, sans irriter par la violence des représailles des opinions qui après tout ont leur place légitime dans la vie nationale d’un pays libre.


CH. DE MAZADE.



La Phytographie, ou l’art de décrire les végétaux, considérés sous différens points de vue, par M. Alphonse de Candolle. Paris, 1880 ; Masson.


On ne se douterait pas, à première vue, de tout ce qu’on peut apprendre en apprenant à fond « l’art de décrire les végétaux, » Mais il suffit d’un peu de réflexion pour se rendre compte de l’effet salutaire que les méthodes scientifiques, pratiquées pendant quelque temps, doivent produire au point de vue de l’éducation de l’esprit, « Apprendre à voir, disait George Sand dans les Lettres d’un voyageur, voilà tout le secret des études naturelles. » Or celui qui a soumis son esprit à cette sorte de gymnastique intellectuelle, qui a méthodiquement appris à voir, il le sait pour la vie et en tire profit en toute occasion.

M. de Candolle insiste avec raison, dans la préface de son dernier livre, sur cet avantage indirect que les jeunes gens peuvent tirer de l’étude de la botanique. La philologie et les mathématiques les détournent beaucoup de l’observation : c’est à l’histoire naturelle de la leur apprendre, et le meilleur moyen pour arriver à observer est de décrire. « Pour bien décrire, il faut classer et nommer, en suivant des règles qui reposent sur des raisonnemens. » Il s’ensuit qu’il est utile d’avoir appris, une fois en sa vie, ce qui caractérise une association naturelle, comment les naturalistes parviennent à débrouiller, à classer des milliers d’objets, à les distinguer par des noms expressifs, à les marquer en quelque sorte par une description qui sera désormais comme leur état civil. « Les principes s’oublient moins que les noms d’organes ou d’espèces, dit M. de Candolle, et souvent on peut les appliquer à autre chose. Des hommes de mérite m’ont affirmé que, pour avoir appris nos méthodes de classification, de nomenclature et de description, ils se sont trouvés plus capables de rédiger clairement, par exemple, des mémoires administratifs, des rapports financiers, des procès-verbaux judiciaires ou de simples récits de voyages. »