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ans ; c’était ce qui rendait une telle entreprise tout à la fois très désirable et bien difficile à conduire jusqu’au terme par les forces d’un seul homme, tout bien préparé que celui-ci fût à cette lourde lâche[1].

Depuis cette rencontre et cet échange d’idées, nos relations épistolaires devinrent plus fréquentes et plus affectueuses ; il me tenait au courant des progrès de son travail, et, parmi tous les encouragemens qu’il recevait des maîtres de la science allemande, il lui était doux de penser que quelqu’un à l’étranger s’intéressait aussi à ses efforts et se chargerait d’attirer sur l’ouvrage l’attention du public français. Lorsque parut, en 1878, la première livraison, nous ne manquâmes point à notre parole[2].

Malgré les rares mérites du livre, nous avions dû faire quelques réserves ; nous avions critiqué l’appareil trop philosophique et un peu pédantesque d’une nomenclature et de définitions abstraites qui risquent, dans l’introduction, d’effaroucher et de rebuter le lecteur. Nos objections n’avaient pas convaincu l’auteur ; il protestait contre ce qu’il appelait « l’empirisme pur ; » mais il avait été heureux de voir le manuel recommandé chaudement à l’érudition française, comme un guide utile, ou, pour mieux dire, indispensable à quiconque voudrait aborder désormais l’étude de l’antiquité figurée. Comme les plus illustres de ses compatriotes, il avait un vif désir de voir ses travaux estimés et goûtés de ce côté du Rhin. Le succès obtenu par ce premier cahier, en Allemagne et hors de l’Allemagne, l’excita donc à redoubler encore d’ardeur.

Sa santé avait toujours été délicate ; malgré la passion qu’il avait pour son enseignement, il avait dû l’interrompre à plusieurs reprises ; mais les voyages qu’il avait entrepris quand on lui défendait les fatigues de la chaire ou le travail du cabinet avaient plus contribué à compléter son instruction qu’à ménager ses forces. Il avait l’esprit trop actif et trop curieux pour savoir se reposer. Un hiver passé dans le midi de la France lui avait fourni l’occasion d’écrire un livre où il en décrit et où il en juge, en connaisseur, les monumens antiques ; c’est peut-être encore là que l’on trouvera réunis les renseignemens les plus abondans et les plus exacts sur les édifices qui couvrent le sol de l’ancienne Province romaine et sur les ouvrages de sculpture que renferment ses musées[3]. Il en

  1. Dès 1852, il avait exposé ses idées à ce sujet dans un écrit intitulé Archœologische Studien zu einer Revision von Müller’s Handbuch der Archœologie (Wetzlar).
  2. Voir la Revue critique du 14 juin 1879.
  3. Staedteleben, Kunst und Alterthum in Frankreich ; Iéna, 1855. Ce voyage s’était terminé par une visite a Paris et à Anvers. On y remarquera ce qu’il dit du Louvre et de l’intérêt que prend à ses trésors et a ses acquisitions même le public sans culture spéciale, le public des dimanches.