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l’on distribuerait gratuitement au peuple et qui serait ensuite payé par le gouvernement sur déclaration (art. 15). — Les biens des émigrés et des conspirateurs seraient distribués aux défenseurs de la patrie, et les malheureux seraient logés et meublés aux frais des conspirateurs (art. 17).

Buonarotti est un peu embarrassé de justifier ce dernier article, car transporter les biens des uns entre les mains des autres, c’est changer les propriétaires, ce n’est pas abolir la propriété. Il semble donc que cette mesure fût contraire au régime de communauté que l’on voulait établir. Aussi n’était-ce là qu’une mesure transitoire ; « le grand point était de réussir. » Il ne fallait pas « décourager les vrais amis. » C’est pourquoi on leur donnait les biens d’autrui. Il ne fallait pas indisposer ceux qui, ennemis de l’aristocratie, ne voulaient pas de l’égalité des biens. C’était pour ceux-ci, c’était pour ménager les montagnards rebelles au communisme, qu’on n’établissait pas d’abord la communauté. Mais ce que ne promettait pas l’acte insurrectionnel, le décret économique qui devait être porté après la victoire se chargeait de l’organiser. En voici les principaux points. On établissait en effet « une grande communauté nationale, » composée des biens nationaux non vendus, des biens des ennemis de la révolution promis aux malheureux par les décrets de ventôse, des biens échus ou à échoir par condamnations judiciaires, des édifices publics, des biens des hôpitaux, des logemens occupés par les pauvres en vertu des articles transitoires, enfin des biens usurpés et des biens négligés. On comprend que ces deux qualifications pouvaient aller loin. On abolissait l’héritage et le droit de tester. Tous les biens non compris dans l’énumération précédente devaient donc ultérieurement revenir à l’état par droit de succession. Enfin, on invitait les autres citoyens à abandonner leurs biens. L’oisiveté, l’incivisme et le luxe étaient punis par les travaux forcés, et les biens de ceux qui étaient ainsi condamnés étaient acquis à l’état. On voit que, par tous ces procédés, toutes les propriétés particulières devaient bien vite être absorbées par l’état tout entier. Un autre ordre de mesures contribuait encore au même résultat. Les citoyens étaient divisés en deux classes : les membres de la communauté et les non-participans à la communauté. Les premiers étaient ceux qui avaient donné leurs biens à la république, les vieillards et les infirmes, les jeunes gens élevés dans les maisons d’éducation nationale, enfin ceux qui consacrent leur travail à la communauté. Les non-participans étaient ceux qui conservaient des propriétés particulières. Or, tandis que les uns étaient entretenus « dans une honnête et égale médiocrité » et recevaient tout ce dont ils avaient besoin, tandis qu’on leur assurait le logement, l’habillement, le