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raison, mais les choses ne se sont point passées tout à fait ainsi qu’il les a racontées fort naturellement, sur la foi d’une lettre de Mme de Boufflers, une des correspondantes de Gustave III, qui servit tout le temps d’intermédiaire. J’ai en effet sous les yeux une pièce plus sûre ; c’est le contrat passé par-devant Mes Duclos et Mony, notaires au Châtelet de Paris, entre « très haut et très puissant seigneur son excellence Éric-Magnus Staël de Holstein, chevalier de Holstein, chevalier de l’ordre de l’Epée, chambellan de sa majesté la reine de Suède et ambassadeur extraordinaire de sa majesté le roy de Suède auprès de sa majesté très chrétienne, demeurant à Paris, rue du Bacq, faubourg Saint-Germain, paroisse Saint-Sulpice d’une part, et messire Jacques Necker, ancien directeur des finances, noble baron de Coppet, seigneur de Bière, Bérole et autres lieux, membre du conseil des soixante de la république de Genève, et noble dame Louise Curchodi de Nasse, son épouse, stipulant pour eux et en leurs noms et pour Anne-Louise-Germaine Necker, demoiselle mineure, leur fille, à ce présente et de son consentement, demeurante avec lesdits sieur et dame ses père et mère, rue Bergère, paroisse Saint-Eustache, d’autre part. » Ce contrat, qui porte la signature de Louis XVI, de Marie-Antoinette et de tous les princes de la famille royale, contient en effet sous l’article 2 la clause suivante :


En considération dudit mariage, Sa Majesté le Roy de Suède a bien voulu assurer à son excellence mondit sieur futur époux, ainsi qu’il le déclare :

1o  La jouissance du titre et des émolumens pendant six années au delà des six premières, dont le cours est commencé, de sa dite qualité d’ambassadeur extraordinaire, auprès de Sa Majesté très chrétienne, sans préjudice d’une prolongation ultérieure si Sa Majesté le Roy de Suède continue à être content de ses services.

2o  Une pension de vingt mille livres tournois de France, payables en tous lieux à sa dite excellence mondit sieur futur époux dès le moment qu’elle cesserait d’être revêtue du titre d’ambassadeur extraordinaire auprès de Sa Majesté très chrétienne.


Ainsi ce n’était pas à vie, mais, pendant douze ans, que Gustave III s’engageait à conserver M. de Staël comme ambassadeur. Or si l’on réfléchit qu’à cette époque les cours de rang secondaire avaient pour habitude de changer rarement leurs ambassadeurs, et qu’en particulier le comte de Creütz, le prédécesseur immédiat de M. de Staël, avait été accrédité à Versailles pendant plus de vingt ans, l’engagement pris par Gustave III de conserver M. de Staël comme ambassadeur pendant douze ans paraîtra d’une nature moins singulière et d’une exécution moins difficile qu’il ne le serait