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On chargea d’abord l’évêque de Tournai, Choiseul-Praslin, de rédiger les articles de la déclaration à soumettre au vote de la compagnie. Mais la majorité des commissaires s’effraya de la netteté des principes qu’énonçait le prélat. Choiseul-Praslin niait en effet formellement l’indéfectibilité du saint-siège, laquelle suivant lui ne pouvait être admise sans entraîner l’infaillibilité papale. Bossuet y contredit. Il soutint que les deux principes n’étaient point connexes. Son opinion moyenne prévalut, parce qu’elle avait l’avantage de permettre au clergé français de rester, malgré la déclaration, en communion de sentimens avec Rome. Voilà comment, au dire de Fénelon, l’évêque de Meaux fut finalement chargé de rédiger la déclaration, et sa rédaction fut soumise à l’approbation de l’assemblée par l’évêque de Tournai, resté le rapporteur officiel. Choiseul-Praslin, tout en gardant sa manière de voir, avait accédé au tempérament qu’apportait dans les principes formulés son collègue de Meaux.

Je n’entrerai point dans l’examen critique de cette fameuse déclaration, qui fut considérée pendant un siècle et demi comme l’arche sainte du gallicanisme. Elle a fourni matière jusque de nos jours à de vives discussions où les préoccupations théologiques ont trop souvent pris la place de la recherche impartiale de la vérité historique. On pourra consulter à ce sujet les ouvrages de M. Gérin, de M. l’abbé J. Th. Loyson et du P. Lauras, qui sont les plus récens. Je me bornerai à remarquer ici que les articles avaient un double but : c’était d’assurer l’indépendance de l’épiscopat français à l’égard du saint-siège, sans rompre l’union qui doit toujours exister entre eux ; c’était ensuite de soustraire la royauté à la prétention qu’avait eue si souvent la papauté d’exercer sur elle une tutelle politique au nom des intérêts de la catholicité. Ces articles étaient donc destinés à cimenter l’alliance du trône et de l’église nationale. Ils déclaraient que le saint-père, pas plus que l’église, n’a reçu de puissance de Dieu que sur les choses spirituelles et qui concernent le salut, qu’il n’en a pas sur les choses temporelles et civiles, qu’il doit se soumettre aux canons des conciles œcuméniques, maintenir les règles et les constitutions de l’église de France. En déniant au pape l’infaillibilité, le quatrième et dernier article prenait, il faut le reconnaître, le caractère d’un canon et donnait à l’assemblée la compétence d’un véritable concile ; mais, dans la forme, la déclaration se bornait à énoncer une doctrine depuis longtemps acceptée par l’église de France. « Quoique le pape, est-il dit dans cet article, ait la principale part dans les questions de foi, et que ses décrets regardent toutes les églises et chaque église en particulier, son jugement n’est pourtant pas irréformable, à moins que le consentement de l’église n’intervienne. » Ces termes avaient été habilement calculés pour dissimuler la dissidence qui existait