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pour lui ; mais il ne favorisa pas pour cela le parti contraire et se tint, à l’égard des cours de justice dans une réserve calculée. Ce n’était point un homme à briser avec le clergé ; ses croyances religieuses l’y enchaînaient, et s’il évitait d’en épouser trop ouvertement la cause en face des adversaires des prétentions cléricales, il n’en maintenait pas moins ses déclarations en faveur de la bulle Unigenitus, acceptée désormais comme un des canons de l’église gallicane. Ni l’une ni l’autre des deux factions ne put donc se targuer d’avoir l’oreille du monarque. La lutte se continua entre elles avec des intermittences auxquelles le gouvernement cherchait à donner le caractère de trêves, faute d’être en mesure de dicter la paix. Mais comme l’autorité judiciaire était aux mains des magistrats, les ecclésiastiques, que l’excès de leur ardeur orthodoxe entraînait à des attaques contre le pouvoir séculier, continuaient à payer de temps en temps leur imprudence par la prison ou le bannissement, et la persécution que jadis l’intolérance de Louis XIV avait exercée contre les jansénistes, l’esprit janséniste des parlemens l’exerçait maintenant contre les ultramontains. Tandis que la chaire retentissait d’attaques, contre les détracteurs de la bulle, on n’entendait à la barre des tribunaux que des invectives contre ceux qui s’en avouaient hautement les partisans. La lutte menaçait de s’éterniser. Appelé au ministère, Choiseul, qui n’avait pas beaucoup plus de goût pour les jansénistes que pour les jésuites, et songeait avant tout à rétablir le calme dans le royaume, s’occupa d’y mettre un terme, et voilà comment la démarche de l’assemblée du clergé de 1760, qui avait reproduit toutes les doléances de l’église, trouva faveur près du ministre et fut agréée du roi. Choiseul ne s’entremit pas moins que l’assemblée pour obtenir le bref de Benoît XIV. Cette lettre venue de Rome, si elle était catégorique dans les termes, demeurait modérée dans la forme ; si elle ne permettait pas aux récalcitrans d’échapper par des faux-fuyans et des réserves, elle recommandait du moins aux prélats une modération dont ils n’avaient pas toujours fait preuve. L’encyclique du pape semblait donc propre à ramener un accord complet entre l’église et le trône. Le roi assura solennellement de sa protection les ministres des sacremens qui exécuteraient fidèlement les règles prescrites par le bref ; mais les parlemens ne s’inclinèrent pas devant la décision du saint-père. S’ils cessèrent leurs poursuites pour refus de sacre-mens, ils ne discontinuèrent pas leurs attaques contre les principes que consacrait la bulle Unigenitus et auxquels Benoît XIV avait donné une nouvelle sanction. Quand l’assemblée du clergé se réunit en 1765, loin de trouver le ciel rasséréné, elle eut à faire tête à un nouvel orage. Au lieu de n’avoir que des actions de grâce à adresser à Louis XV pour le concours qu’il avait prêté à l’église