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fut soutenue par l’archevêque de Reims dans ses remontrances. Le roi, cédant aux instances des prélats en crédit, surtout à celles de son premier ministre, le cardinal de Loménie de Brienne, fit droit à ces plaintes. L’estime qu’il avait pour le clergé lui commandait d’en respecter les libertés. Il répondit, comme l’avait fait son prédécesseur, dans une circonstance analogue, que les alarmes de l’assemblée n’étaient pas fondées, et il consentit à se contenter d’un don gratuit de 1,800,000 livres, payables en deux ans, demandant en retour que le clergé procédât à un nouveau département qui ne pouvait qu’être approuvé par l’église, celle-ci devant avoir à honneur de fournir la preuve qu’elle concourait réellement aux charges de l’état dans la proportion de ses ressources. Mais si l’assemblée eut sur ce point satisfaction, satisfaction qui ne devait être au reste que passagère, elle fut loin de voir aussi favorablement accueillies ses remontrances sur les tendances que manifestait le gouvernement vers la liberté de conscience. L’édit de novembre 1787 avait rendu l’état civil aux protestans et aux non-catholiques. Rien n’était plus opposé aux réclamations que le clergé ne cessait de faire entendre sur ce qu’il appelait les entreprises des religionnaires. Il crut devoir signaler cet édit comme une infraction au serment que le roi prêtait à son sacre, comme une atteinte au principe de l’indissoluble union du trône et de l’autel ; il se plaignit que l’édit eût été rendu sans l’avis préalable des députés du clergé. Toutefois, il faut le reconnaître, dans la harangue qu’adressait au roi l’un des présidens de l’assemblée de 1788, Arthur-Richard Dillon, archevêque de Narbonne, et où était dénoncée cette infraction aux droits de l’église, on s’aperçoit que le clergé subissait l’influence des idées que la philosophie avait fait prévaloir. Si les sentimens qu’exprima le prélat étaient encore ceux des prélats du XVIIe siècle, ils s’étaient quelque peu adoucis. Dillon parla plus de ramener que de frapper les hérétiques ; il rappela plus les craintes du sacerdoce que ses anathèmes. Ce discours fut comme le dernier manifeste de l’église gallicane sous l’ancienne monarchie. Un nouveau régime allait commencer qui devait emporter les assemblées du clergé et confondre, dans une commune représentation de la nation, le laïque et le prêtre soumis à la même loi.


ALFRED MAURY.