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peu vain des dernières fêtes ? Le ministère depuis qu’il existe, à dire vrai, a résumé toute sa politique dans deux actes, qu’il a peut-être subis, qui procèdent de la même inspiration quoiqu’ils soient d’une nature différente, — les décrets du 29 mars et l’amnistié. Il a mis là tout ce qu’il avait d’esprit, de résolution, d’initiative, et lorsque M. le président du conseil s’est efforcé de relever le sens de ce qui n’a été après tout qu’une double capitulation, il n’a fait que donner lui-même la mesure de révolution à laquelle il se laissait entraîner. Il n’a pas trop paru, il faut en convenir, avoir des illusions sur le fond de ces propositions par lesquelles il a marqué son passage au pouvoir, qui pèsent maintenant sur lui, et il n’a pas même caché qu’il obéissait à un mobile tout politique, à un mobile de parti. C’est pour maintenir « l’unité du parti républicain » que le gouvernement a livré les intérêts religieux ; c’est pour maintenir « l’unité du parti républicain » qu’il a proposé l’amnistie. C’est pour maintenir « l’unité du parti républicain » qu’il fera toutes les concessions, qu’il se prêtera au besoin à toutes les exclusions ou à toutes les complaisances. Voilà le secret de la situation. Le gouvernement conduit par M. le président du conseil fait tout ce qu’il fait, il accorde et il livre tout, partiellement quand il le peut, entièrement quand il le faut, pour sauver ce qu’il appelle « l’unité du parti républicain ; » il livre la magistrature, l’armée, les garanties libérales, l’honneur de ceux qui l’ont procédé, pour avoir la paix avec ceux qui l’assiègent de leurs sommations impérieuses, qui le menacent de le traiter en ennemi, en suspect.

Oui, sans doute, le gouvernement a pu ainsi se sauver d’un certain nombre de mésaventures, garder une apparence de majorité, obtenir des ordres du jour et aller jusqu’au bout de la session ; il a échappé aux crises, à des échecs de scrutin, Il a réussi à vivre, mais c’est là précisément la question : il a compromis pour vivre toutes les conditions d’une vie sérieuse et forte. Cette unité du parti républicain, dont il se prévaut, dont il se flatte naïvement d’être l’expression au pouvoir, il l’a maintenue par l’altération croissante de toute une situation ; il l’a réalisée au profit du radicalisme qui le pressait, qui l’aiguillonnait, — au détriment des opinions plus prudents, plus mesurées et moins bruyantes, Il a cru habile, pour se garder de l’hostilité des radicaux plus pu moins politiques, d’aller au milieu d’eux, de leur donner des gages ; il s’est nécessairement aliéné les modérés, dont il désertait la cause, dont il froissait tous les sentimens, qu’il inquiétait par ses évolutions, ses condescendances et ses concessions. Pour des amitiés compromettantes et toujours incertaines il a perdu certainement et il perd chaque jour des appuis qui auraient pu lui être de quelque utilité dans un moment de péril, C’est ce que M. Jules Simon lui disait avec une chaleureuse et entraînante éloquence dans son dernier discours avant la fin de la session, « Si vous trouvez des amis d’un côté, lui disait-il, n’en perdez-vous pas de l’autre ? .. Les hommes modérés, vous unissez-vous avec