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UN POÈTE COMIQUE PHILOSOPHE.

losophie et de la science, principalement sous la puissante impulsion de Pythagore. Comment fut-il en même temps poète comique, et qu’était-ce que ses comédies ? Telles sont les questions qu’il est naturel de se poser, sinon facile de résoudre.


II.

Le contraste entre les deux natures qui paraissent réunies chez Épicharme a semblé si étrange que des érudits, Meursius, Gessner, Harless, l’ont dédoublé en deux personnages distincts, le poète et le philosophe. On a même été jusqu’à supposer un troisième Épicharme, médecin. Ces hypothèses ne sont nullement nécessaires. Dans le temps même où fleurissait à Syracuse la comédie dorienne, le grave et religieux Eschyle faisait représenter ses drames satiriques sur le théâtre d’Athènes. À la fin du Banquet de Platon, Socrate force ses interlocuteurs à reconnaître qu’il appartient au même homme d’être bon poète tragique et bon poète comique. Voilà donc pour les deux faces du drame la question soulevée et résolue dans l’antiquité. C’est bien le même Épicharme qui s’occupa de philosophie et de science, et qui fut en même temps le premier des comiques illustres. Comment arriva-t-il à mériter cette gloire ? D’abord, sans doute, grâce à ses dispositions propres, et aussi par une conséquence naturelle de son long séjour à Mégare, en Sicile. Il y passa toute son enfance, s’il est vrai qu’il y fut transporté de Cos à l’âge de trois mois, et probablement une grande partie du reste de sa vie, car il avait de cinquante à soixante ans lorsque, par suite de la conquête de Gélon, il vint habiter Syracuse. Or les exemples qu’il avait sous les yeux à Mégare lui donnèrent la première idée et la matière, sinon la forme, de ses drames.

En effet, la ville sicilienne avait reçu de sa métropole, la Mégare de Grèce ou niséenne, un goût particulier pour les bouffonneries dionysiaques et même la tradition de grossières ébauches dans lesquelles on s’accorde à reconnaître la première apparition de la comédie. Les Doriens passaient pour exceller parmi les Grecs dans certaines représentations burlesques de la vie familière. Ils avaient beaucoup de danses imitatives, par exemple celle qui représentait à Sparte des voleurs maladroits de viandes. On sait que, dans l’éducation laconienne, les jeunes garçons étaient exercés à pratiquer ce genre de vol dans les repas publics, et rudement fouettés quand ils se laissaient prendre. Il y avait aussi de petites scènes mêlées d’improvisations, comme celle du médecin étranger éblouissant le public par la singularité de son langage. C’était encore en Laconie que cette sorte de divertissement était usitée. Les germes d’action