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UN POÈTE COMIQUE PHILOSOPHE.

farce mégarienne, modifiée par l’esprit sicilien, et, dans le sud de l’Italie, les petites scènes des phlyaques ; les processions et les improvisations des ïambistes de Syracuse ; enfin, sous une forme plus littéraire, les satires d’Aristoxène de Sélinonte. Ce sont les élémens qu’Épicharme trouve autour de lui et qui peuvent entrer dans la composition des œuvres d’art qu’il invente. On ne voit pas bien ce qu’il aurait emprunté aux ïambistes ; mais il a imité la forme poétique d’Aristoxène, et ses sujets viennent directement des phlyaques. Comme les farces improvisées de ceux-ci, ils se divisent en deux classes : les parodies mythologiques, et les représentations de la vie familière ; et de même aussi sans doute, la différence des sujets n’empêche pas que dans ces deux classes les thèmes de développement ne soient souvent les mêmes. Essayons maintenant de nous rendre compte de ce qu’il a fait.

Les comédies mythologiques ont naturellement pour personnages des dieux et des héros : les habitans de l’Olympe, Hercule, Bacchus, Ulysse, Philoctète, Prométhée s’y distribuent les rôles. Mais le propre de la parodie, c’est de ramener ces acteurs héroïques ou divins aux proportions de l’humanité, et de l’humanité contemporaine ; c’est le principe même de l’effet comique. Xénophane disait : « Homère et Hésiode ont transporté chez les dieux tout ce qui chez les hommes est un sujet de honte et de blâme ; ils ont attribué aux dieux beaucoup d’actes coupables, des vols, des adultères, des fraudes. » Dans le même temps, la comédie d’Épicharme pouvait aider sans intention la prédication du philosophe en mettant sur la scène les faiblesses divines. Seulement elle choisissait ce qui prêtait au ridicule ; elle en étalait le détail sous les yeux et cherchait le rire par un contraste perpétuel entre la majesté des noms et des attributs et la vulgarité des actes, des sentimens, des situations. Elle le faisait avec une hardiesse qui dépassait de beaucoup celle du drame satirique ; car, tandis que celui-ci se bornait à faire descendre les héros jusqu’à la société d’êtres à demi humains d’une bouffonnerie bestiale, sans porter autrement atteinte à leur dignité personnelle, c’étaient eux-mêmes, c’étaient les dieux qu’elle prenait plaisir à dégrader.

Ainsi dans les Noces d’Hébé, ou les Muses, titre sous lequel la pièce fut une seconde fois présentée au public, on voyait les principales divinités de l’Olympe transformer le banquet nuptial en débauche syracusaine. On sert un merveilleux poisson : c’est pour Jupiter. Il apprend qu’il y en a un autre pareil au marché : il le fait vite acheter pour lui-même et pour sa femme. Minerve, la chaste déesse, est la joueuse de flûte du repas ; elle accompagne Castor et Pollux, qui exécutent une danse armée. Quant aux Muses,

tome xl. — 1880.50