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En quoi consistait dans Épicharme cette transformation qui de grossières ébauches avait fait des œuvres d’art ? Le premier mérite était évidemment celui de la composition. Il fit des pièces régulièrement construites par le progrès d’une action qui se nouait et se dénouait. Avant lui, il n’y avait que des idées comiques, de petites scènes isolées, qui se bornaient à un point détaché d’une légende mythologique ou à un détail de mœurs traité en lui-même, sans rapport avec un sujet plus général ni avec une intrigue dramatique. Tel est bien le sens du seul témoignage ancien que nous ayons sur cette question, et c’est ce qui a été bien établi par Grysar dans son étude sur la comédie dorienne. Ce qu’il y a de fâcheux, c’est que nous en sommes réduits à nous arrêter là. Qu’était-ce au juste que la composition d’une comédie d’Épicharme ? Quelle en était l’unité, la marche, le développement ? Se contentait-il de renfermer différentes scènes à peu près juxtaposées dans un cadre fourni par une donnée mythologique ou autre, ou bien les unissait-il entre elles par un lien plus étroit ? L’unité résidait-elle dans la suite logique de l’action ou seulement dans le ton et l’impression dominante ? L’effet était-il obtenu par une progression intime de l’intérêt dramatique ou était-il le résultat d’un mouvement et comme d’un rythme extérieurs produits par des combinaisons analogues à celles que nous remarquons chez Aristophane ? Comment nous prononcer sur ces points divers quand tout nous fait défaut, les jugemens de la critique ancienne comme les œuvres du poète ? Bornons-nous à ces remarques générales, que les thèmes mythologiques, très familiers au public, étaient plus propres à fournir des cadres qu’ils ne prêtaient au développement d’une action fortement enchaînée, et qu’il était d’ailleurs naturel que ces premières comédies, succédant à de libres et légères esquisses et admettant elles-mêmes des élémens assez disparates, ne s’astreignissent pas à une composition très savante ni très sévère.

Il n’est pas tout à fait exact de dire que nous n’avons aucun jugement ancien. Horace, dans un vers souvent cité dont on cherche encore le sens,

Plautus ad exemplar Siculi properare Epicharmi,

se moque de ces admirateurs indiscrets qui attribuent à Plaute le genre de rapidité d’Épicharme : mais quel est ce genre ? Des deux termes comparés, un seul est sous nos yeux, et la justesse de la comparaison étant contestée par le juge délicat qui nous en apprend l’existence, nous ne pouvons avec sécurité conclure du terme connu à l’inconnu et demander à Plaute quel était ce mérite particulier