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UN POÈTE COMIQUE PHILOSOPHE.

ces produits tout siciliens. Il serait possible aussi qu’on la retrouvât encore dans les tragi-comédies de Rhinton, qui, un siècle et demi après, faisait enfin aboutir les antiques farces des phlyaques tarentins à des parodies en vers des tragédies athéniennes. Le succès de ces petits drames, dont l’Amphitryon de Plaute est peut-être une lointaine imitation, est attesté par les nombreuses peintures de vases qu’ils avaient inspirées.

Mais les vrais héritiers d’Épicharme, ce sont les poètes de la nouvelle comédie athénienne. C’est à eux qu’il transmit le ton tempéré et la fine élégance qui paraissent avoir dominé chez lui, l’usage de certaines figures aux contours arrêtés, de types, enfin et surtout la richesse de son observation morale.

La transmission des types prêterait à une intéressante étude, si l’on avait sous les yeux les œuvres à comparer. On sait que la nouvelle comédie mettait en scène un certain nombre de figures à traits fixes et constans. Les circonstances particulières du sujet et l’intrigue, quelques nuances de caractère y introduisaient une certaine diversité ; cependant c’étaient toujours, avec leurs variétés définies et classées d’avance, le vieillard, le jeune homme, l’esclave, le parasite, la courtisane, l’entremetteur ; si bien que le poète trouvait au magasin de costumes une collection de masques tout prêts à s’adapter à ses personnages. Telle était dans la comédie nouvelle une des formes du général, pour emprunter la langue d’Aristote. Quelques degrés de plus, et l’on arrive aux masques plus invariables encore et plus restreints des Atellanes, dont le Maccus, le Pappus, le Dossennus, souvenirs éloignés des farces doriennes de la Campanie, se retrouveront dans le Polichinelle, le Pantalon, le Docteur de la comedia dell’arte. L’art vit de traditions, qu’il fixe dans des formes plus ou moins arrêtées. Notre comédie moderne n’a-t-elle pas aussi ses rôles, définis, il est vrai, au point de vue des acteurs, mais dont les dénominations sont claires pour le public ? Les pères nobles, les jeunes premiers, les ingénues, les grandes coquettes : ces noms expriment à la fois certaines qualités recherchées de ceux qui remplissent les rôles, et certains traits persistans, déterminés par les conditions d’âge et par les mœurs, qui, indépendamment du sujet de l’action, composent d’avance la physionomie des personnages. Quelle que soit l’apparente variété des formes individuelles, malgré la différence des temps et des sociétés, pour qui regarde d’un peu loin, seulement même à la perspective du théâtre, le nombre des moules où se façonne la matière humaine reste en somme assez limité.

Nous avons vu qu’Épicharme avait créé le type du parasite ; on parle aussi d’un type d’ivrogne de son invention. Y avait-il dans ses pièces beaucoup d’autres figures de ce genre ? Jusqu’où en