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vérification, mais par la fonction sociale qu’elles remplissent provisoirement. La théologie moralise l’homme dans son enfance ; la métaphysique l’émancipé dans sa jeunesse ; la science seule peut le conduire à sa vraie destinée, qui est la conquête de la nature et le gouvernement des sociétés.

Maintenant quelle est cette philosophie par laquelle le positivisme remplace la métaphysique ? Comte en a donné la définition et la méthode dans son Cours de philosophie positive. « Les sciences, pour se transformer en philosophie, n’ont qu’une chose à faire : c’est de s’ordonner elles-mêmes en système. Cette élaboration accomplie, elles satisferont à toutes les conditions d’une philosophie, c’est-à-dire qu’elles fourniront les premiers principes de toutes nos notions rangées dans l’ordre vraiment naturel[1]. » C’est ce dernier travail que Comte a exécuté dans son principal ouvrage, où il montre les rapports des diverses sciences entre elles, et les relie les unes aux autres, les plus complexes aux plus simples, les plus concrètes aux plus abstraites, reconstituant ainsi l’arbre de la science avec toutes ses ramifications. La philosophie n’est donc que la science elle-même, mais la science vue de haut, la science considérée non plus dans le détail des spécialités, mais dans l’ensemble de ses rapports généraux, dans l’organisation de ses diverses parties, dans l’unité encyclopédique de son objet. En sorte que la science et la philosophie ne sont plus deux ordres de connaissances distincts par la nature des problèmes et des méthodes, mais simplement deux points de vue d’une seule et même étude, qui sont entre eux comme le particulier au général, comme l’analyse à la synthèse. Enfin, tandis que la science se fait avec l’observation et l’expérience, la philosophie se fait avec la comparaison et la généralisation des faits observés.

Voilà une solution aussi simple que radicale du problème de la connaissance : la science seule, mais la science avec sa plus profonde analyse et sa plus haute synthèse. Y a-t-il là de quoi satisfaire à tous les besoins légitimes de l’esprit humain ? L’école positiviste le pense, en faisant d’ailleurs observer que la philosophie positive n’entend pas circonscrire la réalité universelle dans les limites relativement étroites de la connaissance humaine. Qu’on nous permette encore de compléter ce rapide résumé de la doctrine en citant les belles et fortes paroles du grand disciple de Comte : « La philosophie positive est à la fois un système qui comprend tout ce qu’on sait sur le monde, sur l’homme et sur les sociétés, et une méthode générale renfermant en soi toutes les voies par où l’on a appris toutes

  1. Auguste Comte, Cours de philosophie positive, t. V, p. 50.