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dans toutes ses découvertes, non pour l’éclairer, la diriger ou la rectifier, mais pour mettre en lumière la pensée qui se cache sous ses merveilleuses révélations. C’est ainsi qu’elle fait apparaître aux yeux de l’intelligence, non pas un autre monde que celui de la science, mais le même, transfiguré par cette pensée qui le rend intelligible. Elle ne reconstruit pas le système cosmique à sa façon en le faisant sortir tout entier d’un puissant effort de spéculation logique, quoi qu’en pensent nos positivistes. Elle le prend tel que la science le lui donne, et l’explique, de manière à le faire comprendre. Et en cela elle fait une chose nouvelle et qui lui est propre, puisque la science, qui observe les faits et en définitive les lois, n’a pas la prétention d’en rechercher les raisons et les vraies causes. « Rien ne fera que les idées qui donnent aux théories de la nature toute lumière ne soient pas filles de la plus pure activité spéculative. Rien ne retirera du tissu de la science les fils d’or que la main du philosophe y a introduits[1]. »

Quelle est cette pensée, quel est ce principe qui sert de flambeau à la métaphysique ? D’où le tire-t-elle ? D’où peut-elle le tirer, sinon de l’expérience ? S’il est une vérité démontrée par l’analyse logique, et passée à l’état d’axiome dans la philosophie contemporaine, c’est que toute connaissance, quel qu’en soit l’objet, vient de l’expérience. La métaphysique a pu longtemps se faire illusion sur la valeur et la portée des méthodes purement spéculatives. Elle ne le peut plus, depuis qu’elle a vu où ces méthodes mènent l’esprit humain. Non-seulement on sait que toutes les entreprises de ce genre ont échoué ; mais on sait pourquoi elles ne pouvaient aboutir à un résultat sérieux. C’est qu’il n’y a point, à proprement parler, de connaissance a priori. Les axiomes ne sont que des propositions identiques où l’attribut implique le sujet. Les définitions sont des propositions analytiques où l’attribut est abstrait du sujet. Toute vérité qui n’est pas simplement logique, et qui touche à la réalité des choses, est une vérité a posteriori, c’est-à-dire un résultat de l’expérience. C’est donc de l’expérience que vient tout principe métaphysique. Seulement, ici, c’est l’expérience intérieure qui sert à expliquer les enseignemens de l’expérience extérieure ; c’est la conscience qui révèle à la métaphysique les raisons et les causes par lesquelles celle-ci explique le pourquoi de toutes choses. La psychologie, est le vrai sanctuaire de la métaphysique ; le philosophe ne trouve que dans ses profondeurs intimes le secret des grands mystères de la nature. Alors le monde extérieur change d’aspect sous cette

  1. Papillon, Histoire de la philosophie moderne, t. I, page 309.