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Ci-gît l’idole de la France
Et l’ennemi de son repos,
Il fut un gouffre de finance,
Et l’asile des impôts.


D’Argenson aura beau dire, et Marais, et Barbier, ou tout autre ; je déclare qu’il m’est impossible de goûter dans ce triste quatrain le moindre grain de sel. Voici encore, un couplet sur la disgrâce du père Le Tellier ;

Tellier, ta disgrâce
T’attire du mépris
Que la populace
A trop bien appris.
Chacun t’abandonne
Comme on ferait un pendu,
Lanturlu.


C’est le chef-d’œuvre de la platitude. On ne chante rien aujourd’hui dans nos cafés-concerts qui ne soit immédiatement au-dessus d’un pareil couplet. Il y en a déjà quelques centaines, mais si l’on pousse, comme on nous en menace, au douzième volume, il y en aura quelques milliers de cette force dans le Recueil Clairambault-Maurepas.

Évidemment on les goûtait alors, puisqu’on les collectionnait. Nous en avons d’ailleurs d’indiscutables témoignages. Mathieu Marais dit, dans son Journal, à la date de 1720 : « J’ai vu une chanson sur l’affaire de la Constitution, à l’occasion d’un envoyé du sultan qui arrive. C’est une application très ingénieuse au Corps de doctrine et aux explications suivant lesquelles on peut accepter tout ce qu’on voudra et même l’Alcoran. » Citons le dernier couplet de cette application très ingénieuse :

Il est vrai que l’Évangile
Que prêche notre curé
Dans la bulle prend un style
Tout à fait défiguré.
Va, si Couët se met en tête
De protéger l’Alcoran,
Tu ne seras qu’une bête
Si tu n’es pas musulman.


Il est difficile, on nous l’accordera, d’aiguiser plus maladroitement une pointe. Le même Marais encore, dans une autre pièce, intitulée la Fagonade, amas de grossières injures entassées contre Fagon, l’un des commissaires de la chambre de justice et revêtu de je ne sais quel emploi de finance, découvre ce qu’il appelle « toute la force et la vigueur de l’esprit satirique » et crie du fond de son étude au « chef-d’œuvre de