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un jour sous les murs de Babylone. Contemplez pour la dernière fois l’incroyable splendeur qui fit si longtemps l’orgueil et la faiblesse de l’empire ! Le défilé commence : en tête, porté sur des autels d’argent, le feu qu’on ne laisse jamais éteindre, puis le cortège des mages chantant les saints cantiques ; derrière les mages, 365 serviteurs du temple, vêtus de robes de pourpre et destinés à figurer les 365 jours de l’année. A la suite de ce bataillon s’avance le char consacré au maître des dieux, avec son attelage aussi blanc que l’hermine. Le dieu du jour est représenté par un coursier que l’on conduit en main et qui doit cet honneur à sa taille gigantesque. Dix autres dieux, divinités secondaires, ont aussi leurs chars dont les panneaux sont à demi couverts d’incrustations d’or et d’argent. Des piqueurs, avec leurs baguettes d’or et leurs blancs vêtemens, marchent d’un pas grave de chaque côté des chevaux, qui obéissent à leur voix. A travers la poussière qu’elle soulève voyez maintenant passer la cavalerie des douze nations : que de variété dans les armures de ces soldats accourus de toutes les contrées de l’Asie ! Les 10,000 immortels suivent les cavaliers. Toujours de l’or ! Des colliers d’or massif au cou, des broderies d’or aux manches flottantes des tuniques, des perles et des pierres précieuses mêlées aux broderies. Dans aucun autre corps l’opulence des barbares ne s’est étalée avec plus de profusion. Les 15,000 guerriers désignés sous l’appellation orgueilleuse de cousins du roi, resplendissent à peine d’un égal éclat : parure de femme plutôt que luxe de gens de guerre ! Quelle est cette troupe à laquelle nous entendons donner le nom de doryphores ? C’est la grande domesticité du palais ; nous avons sous les yeux les officiers de la garde-robe royale. Les doryphores précèdent immédiatement le char du roi. Qui tentera de décrire le merveilleux aspect de ce trône de combat ? Les deux panneaux sont décorés des plus riches simulacres ; l’avant-train même est semé de pierreries. Entre les images de Ninus et de Bélus, statuettes d’or hautes d’une coudée, une aigle d’or s’apprête à prendre son vol. De ses ailes éployées, l’oiseau de Jupiter couvre toute la partie antérieure du char. C’est du haut de ce char que Darius, debout et dominant majestueusement la foule, apparaît aux regards de ses sujets. La beauté est le privilège des monarques perses. Par sa haute stature, par l’illustre origine empreinte dans tous ses traits, Darius montre bien qu’il est de la race auguste où l’Asie est habituée à chercher ses rois. Sa tunique de pourpre est traversée par une longue broderie blanche ; sur ses épaules s’attache un manteau de drap d’or, qu’ornent deux éperviers qui fondent l’un sur l’autre ; de sa ceinture dorée pend un sabre courbe dont le fourreau semble fait d’une seule pierre précieuse. La tiare