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aversion, elle provoqua l’enthousiasme en Irlande, du moins parmi les catholiques et leurs alliés. Non-seulement les principes de liberté politique et religieuse proclamés au début de la révolution étaient faits pour plaire à tous les mécontens d’Irlande, c’est-à-dire à la grande masse de la population ; mais la guerre qui éclata bientôt entre la France et l’Angleterre était une circonstance singulièrement favorable pour eux, soit qu’ils voulussent seulement profiter des embarras du gouvernement anglais pour lui arracher les réformes qu’il leur refusait, soit qu’ils eussent la pensée plus hardie et plus dangereuse de détacher complètement leur pays de la couronne d’Angleterre.

Dès le premier jour ces deux tendances opposées se manifestèrent chez les chefs du mouvement. Tandis que les uns visaient simplement, à obtenir pour les catholiques l’égalité politique et la liberté religieuse, les autres ne reculaient pas devant la pensée d’une insurrection ayant pour but la constitution de l’Irlande en république indépendante. Les premiers formèrent à Dublin un comité qui devait poursuivre des réformes législatives par les voies régulières et légales ; les autres créèrent, sous le titre de société des Irlandais-Unis, une vaste association qui, sous l’influence de quelques-uns de ses membres, ne tarda pas à devenir le cadre d’une armée insurrectionnelle.

Le comité de Dublin reçut de nombreuses adhésions. La plus importante fut celle d’Edmond Burke. Ce personnage illustre était né à Dublin en 1730 ; il avait quitté sa ville natale à vingt-trois ans pour venir à Londres se jeter dans la vie littéraire et politique ; mais il avait gardé une vive et sincère affection pour son pays ; et sous les ministères libéraux dont il avait été le collaborateur ou le conseiller, il avait puissamment contribué aux mesures prises en faveur de l’Irlande. Son concours était précieux à plus d’un titre. Burke était l’un des trois premiers orateurs de l’Angleterre ; il en était, sans comparaison, le premier écrivain politique. Personne ne possédait, au même degré que lui, le don d’intéresser le public à une question. Il se passionna pour les réclamations des catholiques irlandais, comme il s’était passionné pour les souffrances des populations de l’Inde anglaise, opprimées par les agens de la compagnie, comme il allait se passionner pour les malheurs de la famille royale et de la noblesse de France, décimées par l’échafaud révolutionnaire. Il écrivit, en 1792, à un membre du parlement irlandais, sir Hercule Langrishe, une lettre qui fut reproduite par tous les journaux et qui fit plus pour la cause des catholiques d’Irlande que de longs discours ou de volumineux ouvrages. Il envoya à Dublin, pour servir de secrétaire au comité,