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dans le parlement, une équitable et complète représentation de tout le peuple irlandais. » Depuis quelque temps, les mots : dans le parlement, avaient été supprimés. Il était impossible de dire plus clairement qu’on ne se croyait pas tenu de se renfermer dans les limites de l’agitation légale et qu’on irait, s’il le fallait, jusqu’à l’insurrection.

À peine entré dans l’association, Édouard Fitzgerald y prend un rôle prépondérant. Les autres chefs, comme Olivier Bond, les deux Emmett, Mac-Nevin, quoique plus anciens, s’effacent devant lui. Cela se comprend : il était militaire et passait même pour un officier distingué, puisque le gouvernement anglais, à l’époque où il ne s’occupait pas encore de politique, lui avait offert le commandement d’une expédition contre Cadix. Si l’on tient compte, en outre, de sa grande naissance, de la popularité que lui donnait son attitude dans le parlement et de la séduction que sa personne exerçait sur tous ceux qui l’approchaient, on comprendra que lui seul pouvait être le chef de l’insurrection qui se préparait. On trouva plus tard dans ses papiers un relevé des forces dont pouvait disposer l’association des Irlandais-Unis. D’après ce travail, le chiffre des affiliés s’élevait à deux cent soixante-dix-neuf mille. Les armes ne manquaient pas ; il en existait des dépôts assez considérables, malgré les perquisitions actives de la police. Ce qui faisait défaut, c’était l’argent. Aussi essaya-t-on plusieurs fois de négocier un emprunt.

Au surplus, il était évident qu’une insurrection irlandaise, livrée à ses propres forces, finirait par être écrasée. Il fallait donc, quelque dure que fui cette extrémité, recourir à l’appui de la France. Les chefs des Irlandais-Unis s’y résignèrent. En 1796, Édouard Fitzgerald et Arthur O’Connor furent chargés de se rendre en France et d’entamer les négociations avec le directoire. Les deux amis, pour arriver à leur destination, durent faire un long détour. Ils s’embarquèrent d’abord pour Hambourg, où ils se mirent en rapport avec Reinhard, ministre-résident de la république française dans cette ville. De là ils se dirigèrent vers Bâle, où ils virent Barthélémy, le futur directeur, alors ministre plénipotentiaire près de la confédération suisse. Au moment où ils allaient pénétrer sur le sol français, un ordre du directoire en interdit l’accès à Fitzgerald, suspect aux républicains à cause de ses relations avec la famille d’Orléans. O’Connor continua seul le voyage. Il vit le général Hoche, qui l’écouta avec intérêt, mais qui ne lui donna que des espérances vagues. Le gouvernement français, cependant, était décidé, dès cette époque, à tenter quelque chose en Irlande. Il était déjà en relations avec Wolfe Tone, qui, compromis dans