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espérons-le, du moins, nous révéleront un jour tous leurs secrets. Ces tombeaux diffèrent profondément par leur forme et par leur décoration de ceux du nouvel empire. Dans ces derniers, le sombre Livre des morts règne en maître ; la momie soigneusement préparée, entourée de toutes sortes d’amulettes, semble attendre dans la crainte l’heure du jugement suprême. Le défunt habite les régions infernales ; conduit par Osiris, qui est à la fois son guide et sa personnification, il traverse une série d’épreuves infernales où il doit vaincre les monstres compagnons des ténèbres et de la mort. Tout autour de lui règnent les supplices, la terreur, la désolation ; rien n’y rappelle les joies de l’existence ; rien n’y donne une image précise des espérances d’immortalité. Il n’en est pas de même des tombeaux de l’ancien empire. La momie n’y a pas la raideur qu’on lui donnera plus tard ; peut-être même n’y a-t-il pas toujours de momies dans ces tombeaux, car l’on a trouvé un certain nombre de corps qui paraissaient avoir été enterrés tels quels, sans aucune préparation particulière. Les amulettes, les emblèmes religieux, les statuettes de dieu n’ont point fait encore leur apparition. Les monstres compagnons des ténèbres et de la mort, les épreuves redoutables qui doivent conduire à l’autre vie, Osiris lui-même ne se trouvent point. Le défunt habite une région qui est évidemment un idéal de paix et de bonheur. Il pêche, il chasse, il vit au milieu des champs ; ses esclaves lui apportent le produit de ses terres ; on danse devant lui ; ses femmes, ses enfans, se pressent à ses côtés ; d’innombrables troupeaux témoignent de sa richesse. Faut-il croire qu’on a voulu représenter dans ces curieux tableaux l’existence du mort et reproduire près de son cadavre les souvenirs les plus brillans de sa vie ? On l’a pensé tout d’abord ; quelques personnes en ont même conclu que les anciens Égyptiens, enivrés des joies du monde actuel, ne songeaient point à un autre monde et plaçaient tout leur espoir dans celui-ci. Quand on y regarde de plus près, on arrive à une conclusion bien différente. Les tableaux des tombes de l’ancien empire nous représentent plus probablement le spectacle de l’autre monde tel que se le figurèrent les Égyptiens de l’ancien empire. En effet, ces tableaux sont les mêmes pour tous les morts : prêtres, soldats, artisans, agriculteurs, fonctionnaires de la cour assistent aux mêmes scènes, se livrent aux mêmes occupations, jouissent des mêmes biens ; l’énumération des parens et certaines mentions biographiques différent seules de l’un à l’autre. Il est d’ailleurs peu vraisemblable qu’à une époque où l’Égypte, suivant la très juste remarque de M. Mariette, devait être encore très marécageuse, presque tous les morts aient possédé les innombrables troupeaux qui défilent sur leurs tombes. Ce sont plutôt des troupeaux imaginaires, promis